Histoire
Khadijah, la Mère des Croyants
C’est à son sujet que le Prophète ﷺ aura ce sublime éloge, témoignage de sa profonde gratitude à l’égard de celle qui avait été, un quart de siècle durant, le modèle de l’épouse et de la mère musulmane, le pilier de son foyer et son principal soutien dans l’adversité : « Par Allâh, Il ne m’a pas donné mieux qu’elle ! Elle a eu foi en moi alors que les gens me reniaient ; elle a tenu pour vrai ce que je disais quand tous me traitaient de menteur ; elle m’a soutenu de ses biens quand les gens m’en privaient ; et par la grâce d’Allâh, je n’ai eu de descendance que d’elle. »
Fille de Khuwaylid ibn Asad, un grand seigneur et commerçant très prospère, Khadijah naît dans l’une des maisons les plus honorables de la tribu des Quraysh de Makkah, alors la plus prestigieuse d’Arabie. Connue pour sa chasteté et sa sagesse, elle s’impose, dès son plus jeune âge, comme l’une des grandes dames de sa cité. Veuve d’un premier mariage puis divorcée d’un second, Khadijah se dévoue ensuite entièrement à l’éducation de ses trois enfants et refuse toutes les propositions de mariage, nombreuses, qui lui sont transmises. D’autant qu’elle est richissime : dans la plaque tournante du commerce entre le Yémen et le Shâm qu’est alors Makkah, les affaires de Khadijah sont parmi les plus florissantes de la ville. C’est dans ce cadre qu’elle engage des hommes connus pour leur droiture et leur intégrité en guise d’agents commerciaux et de partenaires d’affaires, notamment pour mener ses caravanes. Le nom de Muhammad, un jeune homme de Quraysh que l’on surnomme al-Amîn – « le digne de confiance » – pour son honnêteté proverbiale et ses qualités morales, revient fréquemment à ses oreilles. Elle l’engage et lui accorde bientôt sa confiance au point de le nommer à la tête d’une caravane vers le Shâm. L’expédition s’avère fructueuse, au grand plaisir de Khadijah. Mais ce n’est pas tant ses qualités professionnelles qui l’ont impressionnée que la personne de son nouvel agent et partenaire, qui la fascine par la bonté et la force de son caractère autant que sa sagesse, la pureté de son cœur et la grandeur de son âme. Muhammad ﷺ n’a que vingt-cinq ans, elle en a quarante. Qu’importe : le mariage est bientôt célébré à la maison de Khadijah, suite à sa proposition acceptée sans hésitation par celui qui n’est pas encore Messager de Dieu…
S’ensuivent quinze années marquées par une harmonie conjugale des plus complètes et la naissance de quatre filles bénies, auxquelles nous consacrerons un chapitre ultérieur, malgré le décès en bas âge de deux fils. Le Prophète ﷺ, qui restera monogame jusqu’à la mort de Khadijah, prend même l’un des esclaves de son épouse, Zayd ibn Haritha, comme fils adoptif et accueille son cousin pour l’élever au sein de leur foyer – un homme promis au plus grand destin : ‘Alî ibn Abî Talib. L’union heureuse de Muhammad ﷺ et de Khadijah, fondée sur des valeurs morales communes, l’amour mutuel, un grand respect et une affection sincère, compense toutes les difficultés de l’enfance du Prophète ﷺ, qui a grandi orphelin de père puis de mère. Au fil des saisons, Muhammad ﷺ prend goût aux retraites spirituelles, qu’il effectue, seul, sur le mont Hira, à quelque distance de Makkah ; là, il s’éloigne de l’adoration des idoles, du matérialisme et des vices omniprésents en sa cité pour méditer sur la Création. À quarante ans, il est prêt à recevoir la Révélation et à porter ses responsabilités devant l’humanité. Alors qu’il est, comme il avait coutume de le faire, en retraite pendant le mois de ramadân, il reçoit les premiers versets du Qur’ân :
« Lis, au nom de ton Seigneur qui a créé, Qui a créé l’Homme d’une adhérence.
Lis ! Ton Seigneur est le Très Noble,
Qui a enseigné par la plume,
A enseigné à l’Homme ce qu’il ne savait pas. »
Pâle, effrayé et tremblant, le Prophète ﷺ rentre en son foyer et lance à son épouse : « Couvre-moi, couvre-moi ! », avant de lui narrer sa première rencontre avec l’ange Gabriel et de lui faire part de ses craintes pour sa vie – ou sa raison. Mais Khadijah l’en rassure aussitôt à ces mots : « Certes, jamais Dieu ne t’avilira ; car tu es uni avec tes proches, tu soutiens les faibles, tu donnes à ceux qui n’ont rien, tu héberges les hôtes et tu secours les victimes des vicissitudes du droit ! » Pour la première fois, Khadijah vient d’endosser ce rôle dont elle ne se départira jamais, jusqu’à sa mort, et qui donnera tant de force et de confiance à son époux : celui de le réconforter et de le soutenir, par sa sagesse, sa maturité et sa profonde compréhension des événements. Peu après, elle emmène le Prophète ﷺ auprès de son cousin Waraqa ibn Nawfal, l’un de ces hommes restés monothéistes contre vents et marées et qui disposaient d’une certaine connaissance des Écritures juives et chrétiennes : « Il s’agit du Nâmûs – l’ange Gabriel – que Dieu envoya autrefois à Moïse, s’exclame-t-il. Que j’aurais aimé être plus jeune ! Puissé-je vivre jusqu’au jour où ton peuple te bannira ! » « Me chassera- t-on ? », demande alors le Prophète ﷺ. « Jamais un homme n’a apporté ce que tu apportes sans être persécuté. Si je vis encore ce jour-là, je t’aiderai de toutes mes forces… » Malgré cette promesse de jours difficiles, le cœur de Muhammad ﷺ est conforté par cette rencontre : il sait, désormais, qu’il n’est en aucun cas aliéné et prend conscience de sa mission envers son peuple et l’humanité tout entière.
Ibn Ishaq nous rapporte que « Khadijah fut la première personne à croire en Allâh et Son Messager ﷺ, et à croire en tout ce qu’il apportait. Allâh a conforté Son Messager ﷺ par cela ; le Prophète ﷺ n’a jamais entendu la moindre chose déplaisante de sa part. » Elle embrasse, effectivement, la nouvelle foi de son époux sans la moindre hésitation. Aimante et fidèle, elle va le soutenir face à toutes les épreuves et aux persécutions les plus terribles qui ne vont pas manquer de s’abattre sur lui et les premiers musulmans. Car, comme le lui annonce solennellement le Prophète ﷺ, le temps du sommeil et du confort est passé. Place, désormais, à la prédication ouverte, déclenchée par la révélation de ces versets du Qur’ân : « Ô toi (Muhammad), le revêtu d’un manteau ! Lève-toi et avertis. » Khadijah, elle aussi, prêche l’islâm à ses proches et en voit les premiers résultats avec la conversion de ses filles et de son affranchi Zayd ibn Haritha. Surtout, elle investit toute sa richesse dans la cause de l’islâm, sans jamais s’en vanter ou chercher à en tirer avantage, et permet au Prophète ﷺ de se consacrer entièrement à sa mission sans avoir à se préoccuper de ses revenus financiers. D’une générosité sans bornes, elle se montre d’une bonté extrême envers les plus pauvres et les plus faibles des musulmans. Et elle trouve la paix intérieure dans la méditation, la contemplation de la Création et surtout la prière, qu’elle pratique matin et soir en compagnie de son époux – alors que l’obligation de la salât n’a pas encore été révélée. Sans jamais sombrer dans le désespoir, elle est le témoin des moments les plus durs de la lutte et voit son époux subir toutes les injures et les humiliations au nom de sa mission. Et elle fait sienne la réponse du Prophète ﷺ à son oncle face aux « arrangements » que lui propose la noblesse de Quraysh pour qu’il cesse sa prédication : « Je jure par Allâh que même s’ils mettaient le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche pour me faire renoncer à cette affaire, je n’y renoncerais jamais jusqu’à ce qu’Allâh la fasse triompher ou que j’y perde la vie ! » Pour tout cela, elle a l’honneur d’être ainsi saluée du plus haut des cieux, à travers ces mots de l’ange Gabriel à son époux : « Envoyé de Dieu, voici Khadijah qui t’apporte un récipient. Lorsqu’elle viendra, salue-la de la part de son Seigneur et de la mienne, et annonce- lui la bonne nouvelle qu’elle aura, au Paradis, une maison de perles, à l’abri de tout vacarme et de toute peine. »
Première Mère des Croyants dans tous les sens du terme, elle se montre aussi solide qu’une montagne face aux épreuves qui s’accumulent : le premier martyre d’une musulmane, Sumayyah, torturée à mort par l’oligarchie polythéiste de Makkah, ou encore le départ de sa fille Ruqayyah vers l’Abyssinie. Pire : terrifiés par la multiplication des conversions à l’islâm malgré les persécutions, les chefs de Quraysh décident de mettre en place un véritable siège physique doublé d’un boycott social et économique complet de la communauté musulmane naissante mais aussi des clans et tribus qui accordent leur protection au Prophète ﷺ. À soixante-cinq ans, Khadijah doit ainsi quitter son foyer, comme tous les musulmans, et s’installer dans la vallée d’Abû Talib, sous surveillance permanente. Pendant trois longues années, l’on ne tolèrera aucune relation commerciale, économique ou maritale avec les musulmans, privés de nourriture et parfois même d’eau. Les cris des enfants tourmentés par les affres de la faim, les pleurs des mères tourmentées et les terribles souffrances des plus âgés et des infirmes n’y changeront rien : rien ne semble pouvoir entamer la détermination des ennemis de l’islâm. « Est-ce que les gens pensent que Nous les laisserons dire : ‘Nous croyons’ sans les éprouver ? »
Face à la persévérance des musulmans – aucun d’entre eux n’a abandonné l’islâm malgré ces conditions dramatiques -, des divisions apparaissent toutefois au sein de l’oligarchie de Quraysh et le siège est levé. Mais cette grande victoire de la Foi sera suivie d’une terrible perte. D’un âge déjà avancé, Khadijah sort de cette effroyable épreuve malade et très affaiblie physiquement. Malgré les soins attentionnés de son époux et de ses filles, elle rend l’âme et suit Abû Talib, oncle et autre grand protecteur du Prophète ﷺ, dans la mort, lors d’une année qui sera en conséquence connue comme « l’Année de la Tristesse. » Son décès sera sans nul doute l’une des plus déchirantes expériences de la vie du Messager de Dieu ﷺ, qui descendra lui-même le corps de sa défunte bien-aimée dans sa tombe. Après sa mort, il entretiendra avec ferveur sa mémoire, faisant preuve d’une immense loyauté à son égard, et ne manquera jamais une occasion de l’honorer en l’évoquant de la meilleure des façons et en la couvrant d’éloges dans tous ses propos ; ‘Aisha nous rapporte même qu’il lui arrivait de sacrifier une bête qu’il découpait ensuite en morceaux pour les envoyer aux anciennes amies de Khadijah ! Quant à sa maison, premier cœur battant de l’islâm où le Prophète ﷺ recevait fréquemment la Révélation et la transmettait à ses premiers compagnons, elle sera plus tard achetée par le premier calife omeyyade, Mu’âwiya ibn Abî Sufyân, qui en fera une mosquée…
Femme forte et accomplie, Khadijah fut la personnification de toutes les qualités les plus pures et les plus nobles que sont la fidélité, l’intégrité, la loyauté, la sincérité, la modestie, les bonnes manières, la générosité, la sagesse, la sagacité, la détermination, la persévérance, la force de caractère, l’honnêteté et le dévouement, qu’elle porta et sublima au point d’être saluée par Dieu. Bien qu’élevée dans le luxe et accoutumée aux richesses, elle n’hésita pas une seconde à sacrifier tout ce qu’elle possédait pour le message révolutionnaire du monothéisme absolu porté par son époux. Sa fortune soutint la cause de l’islâm et son affection abondante fournit à son Messager ﷺ un immense et indispensable soutien moral et émotionnel, au point qu’il devait plus tard affirmer que « Dieu m’a gratifié de l’amour de cette femme. » Maîtresse de maison accomplie, modèle de dévotion conjugale, son foyer fut pour lui un havre de paix et de sérénité au cœur de l’épreuve et elle porta à ses côtés le navire de la Foi à travers les tempêtes et les ténèbres de la Jahiliyyah. En un mot, elle mérita amplement sa place parmi les quatre meilleures femmes que cette terre ait portées, en compagnie de ‘Asiya, femme de Pharaon, de Maryam, mère de Jésus, et de Fatimah, fille de Muhammad !
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