Histoire
Mehmed “al-Fatih”, le conquérant de Constantinople
Le 3 février 1451, Mehmed II (re)montait sur le trône de l’empire ottoman. À peine deux ans plus tard, il devait accomplir la prophétie de Muhammad ﷺ : “Constantinople sera conquise. Quel excellent commandant que son commandant (celui qui la conquerra), et quelle excellente armée que cette armée !”
Depuis son plus jeune âge, le jeune prince avait été élevé dans ce seul et unique objectif, tant par sa mère Hüma Hatun, que l’on dit d’origine franque, que par ses plus proches conseillers, presque tous issus du corps des janissaires. Ainsi, dès qu’il retrouve son trône, après en avoir été chassé 5 ans plus tôt par les intrigues d’un grand vizir, il tourne toute sa politique vers Constantinople : mise au pas de ses rivaux & des pacifistes au sein de la cour, construction d’une seconde forteresse sur le Bosphore, mise en place d’une artillerie moderne. Enfin, après un siège acharné de 53 jours où il fait la démonstration de ses talents de stratège, le jeune sultan entre victorieux dans la cité de Constantin le 29 mai 1453 et rend louange à Allâh au sein de la basilique Hagia Sophia, promptement convertie en mosquée.
À 21 ans à peine, Mehmed a gravé son nom dans l’Histoire. Il est désormais “al-Fatih”, le Conquérant, celui qui a fait du sultanat de ses ancêtres une puissance qui compte à l’échelle du monde, fermement enracinée sur les deux rives du Bosphore. Champion de l’islâm, “ghazi des ghazis”, ses prouesses militaires sont chantées et louées jusqu’à Makkah, où sa missive décrivant la prise de Constantinople a été lue devant la Ka’ba. Le jihâd, Mehmed y consacrera encore les trois décennies suivantes : dans le sang, la sueur et les larmes, ses janissaires soumettent tour à tour la Serbie, ce qui restait de vestiges de l’empire byzantin en Grèce et en Anatolie, puis la Bosnie, l’Anatolie centrale et enfin la Crimée, mais aussi l’Albanie, où la rébellion de son ancien général, l’apostat Skanderbeg, durera 25 ans, et la Roumanie, où il vainc Vlad l’Empaleur, plus connu sous le nom de Dracula.
Ces campagnes victorieuses n’ont, naturellement, pas été sans difficultés et revers temporaires. À un ambassadeur qui lui demandait alors pourquoi il endurait, aux côtés de ses hommes, tant de maux et de périls, le sultan avait simplement répondu : (Dans ma main est le sabre de l’islâm; sans ces épreuves, je ne mériterais pas le titre de ghazi, et aujourd’hui comme demain je ne pourrais que couvrir mon visage de honte face à Allâh !) Quoi qu’il en soit, ces années de souffrances et de guerres n’ont pas été vaines.
En 1480, l’empire est plus puissant et plus étendu qu’il ne l’a jamais été. La mer Noire est devenue un lac ottoman, les empires maritimes de Venise et Gênes sont largement affaiblis, toutes les résistances chrétiennes balkaniques comme les turbulents émirats turcs d’Anatolie ont été balayés. Aguerrie par ses expéditions incessantes, l’armée ottomane est désormais sans conteste la plus redoutable et la plus crainte d’Europe, bien aidée en cela par sa supériorité technologique dans le crucial domaine de l’artillerie & le professionnalisme du corps des janissaires, qui fascine le Vieux Continent.
Mais les réalisations de Mehmed ne se limitent pas à la sphère militaire. Constantinople, que l’on nomme désormais Istanbul, est redevenue une cité prospère sous sa houlette, le symbole de son ambition impériale. Dès la fin des combats, ou presque, il a lancé une série de chantiers tous azimuts, du fameux palais de Topkapi à la mosquée Fatih en passant par l’académie Enderun, et engagé de façon autoritaire le repeuplement de la ville. Bientôt, Istanbul redeviendra la plus grande cité d’Europe. Là, Mehmed a également solidement établi le système des millets, sous lequel les communautés non-musulmanes vivront pendant des siècles sous une assez large autonomie.
Le maître de Constantinople a également poursuivi sa politique de promotion des recrues européennes et converties à l’islâm du devşirme, jugées plus loyales à la couronne et sur lesquelles il entend fonder sa nouvelle administration impériale. Le sultan, qui parle couramment turc, arabe, perse, grec, latin et même serbe, est par ailleurs particulièrement féru de discussions théologiques, pour lesquelles il réunit les plus grands oulémas de l’empire. Dans les coursives de Topkapi, ces derniers peuvent croiser astronomes ou scientifiques perses, artistes vénitiens, poètes florentins, savants ou administrateurs grecs : Mehmed est un mécène généreux.
Auréolé de gloire, il ne lui reste plus, pour atteindre ce statut de souverain universel auquel il aspire depuis son adolescence, qu’un dernier trophée à ajouter à son tableau de chasse bien rempli : l’Italie. Auto-proclamé “Kayser i-Rûm”, Mehmed rêve d’ajouter la première Rome à la seconde qu’il a conquise 30 ans plus tôt. Ce sera l’expédition d’Otrante. Mais alors qu’il sort de sa capitale pour rejoindre la tête de pont que ses hommes ont établi dans la péninsule en 1481, il tombe malade et rend l’âme dans les jours suivants. Le “Grand Aigle”, comme il était surnommé avec effroi à Venise, n’était plus…
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