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Le halal, une innovation ? Un fondamentalisme qui plus est…

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C’est en tout cas ce qu’avance, ou presque, l’anthropologue et chercheuse à l’IREMAM (Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman) d’Aix-en-Provence, Florence Bergeaud-Blackler.

Auteure de l’ouvrage “Le marché du halal, ou l’invention d’une tradition”, elle est déjà l’invité des plus grands quotidiens, ravis de pouvoir rajouter un énième papier “polémique” sur le dos de l’islam et des musulmans. Car de polémique il s’agit bien, et l’on ne saurait trop patienter avant de voir les multiples débats sur l’islam à venir se voir “augmenter” d’appréciations directement sortis des travaux de l’anthropologue ici présentée.

Dans Libération, questionnée sur le dit marché halal, elle parle alors d’un “vent mauvais pour la démocratie”, car servant les toujours très rigoristes des musulmans.

Décidée, entre autre, par les autorités malaisiennes et saoudiennes, cette “halalisation” de l’industrie alimentaire, depuis quelques décennies, s’inscrirait ainsi dans une logique continuité de “séparatisme” musulman vis-à-vis du monde qui l’entoure.

“Le halal devient peu à peu un moyen de contrôler non seulement des objets, mais aussi des comportements”, nous dit-elle.

Voyez encore, comment les observateurs, d’un paternalisme non avoué, tendent à penser les musulman(e)s constamment sous le contrôle d’une tiers entité. Ils ne sauraient s’habiller, croire ou consommer sans qu’on leur disent comment faire.

Le halal ? Un marché, n’ayant “jamais existé dans le monde musulman avant que les industriels ne l’y exportent”. “Le principe d’un abattage halal est créé, ce que les classiques n’avaient jamais fait : ils se contentaient de discuter à partir du corpus religieux des façons d’abattre qui plaisent à Dieu et de proscrire les autres. Là, l’abattage halal (…) consiste en la section des jugulaires et carotides de l’animal tourné vers La Mecque par un musulman. Il y a ensuite des variations. Dans un nombre croissant de cas, l’animal ne doit pas être étourdi.”

Procédé nouveau ? Vraiment ?

La nécessité, pour les musulmans, d’abattre la bête consommable selon un rite bien défini, et l’interdiction qui leur est faites de consommer ce qui proviendrait d’une bête tuée non conformément à cela est pourtant vieille de plus de 14 siècles. De même qu’il a toujours été défendu aux mêmes musulmans de consommer tout ce qui pourrait contenir de l’alcool, ou tout autre produit enivrant.

L’anthropologue semble ainsi non seulement méconnaître la jurisprudence islamique, mais surtout avoir un problème à re-contextualiser son sujet.

Car si le tampon halal se fait plus fréquent, chaque année sur d’avantage de produits, et que les musulmans en consomment toujours plus, ce n’est pas par dogmatisme aveugle et imbécile, et encore moins par désir d’ostentatoirement afficher sa religiosité.

Fut une époque, avant l’industrialisation et les migrations musulmanes en-dehors des terres islamiques, où le musulman n’avait que peu ou pas à se soucier de la licéité de ce qu’il avait dans son assiette.

En “Dar al islam”, le peu de bétail consommé était déjà théoriquement correctement abattu. La gélatine de porc ? Inconnue au bataillon. De l’alcool ? Vous n’en trouviez que dans les bouteilles des quelques viticulteurs juifs et chrétiens, et nulle part, ou très rarement ailleurs. La viande des Gens du Livre ? L’on parlait alors de celle égorgée et préparée selon un rite tout aussi particulier, sûrement pas de celle vendue par Charal aujourd’hui.

Maintenant, de l’alcool, vous en trouverez jusque dans les sushis, la pâte feuilletée et même, le pain de mie. Du porc, sous toute ses formes, dans bien des sucreries et autres curiosités contemporaines. Quand dans la plupart des fromages vous goûterez désormais pour sûr, de la présure animale ..

Si les dernières générations, largement acculturées et du coup, moins regardantes, se laissèrent aller pendant un temps, les musulmans “nouveaux” ont bien l’intention de décider de qu’il devait y avoir dans leur assiette.

C’est ainsi qu’ils se mettent en quête d’une hygiène alimentaire plus en adéquation avec leur foi et leur textes. Qu’ils cherchent à trouver une alternative à cette infâme mixture de produits divers qu’il leur sont proposés dans les rayons de nos supermarchés. Ils veulent manger d’une nourriture parfaitement “licite”. Ce que faisaient déjà bien des musulmans avant eux. Si l’auteure avait songé à placer son curseur référentiel au-delà des générations postcoloniales, qu’elle interrogea dès ses débuts, peut-être l’aura-t-elle remarquer…

A l’instar d’un voile que l’on pense n’être porté que depuis quelques années, et fruit d’un certain fondamentalisme réactionnaire, car pas ou peu porté à la bonne époque (postcoloniale) ; le renouveau halal n’est ainsi pas mieux perçu, et tout autant compris comme un phénomène hétérodoxe à l’islam traditionnel, et bien sûr, nouveau.

Pratique contemporaine, en réaction à la ”norme”, le halal pourrait ainsi n’être qu’un fondamentalisme de plus selon l’auteure.

“Le fondamentalisme se caractérise par un rapport littéral aux textes et par le fait qu’il se définit comme l’orthodoxie : toutes les autres formes religieuses sont pour lui des déviances. C’est cette logique qui a permis à la convention halal d’exister : l’idée qu’il n’existe qu’une seule facon d’abattre un animal. Dès le départ, cette pratique est donc une idée fondamentaliste, qui va devenir, dans son développement ultérieur, quasi totalitaire : elle doit gouverner l’ensemble de la vie du croyant”.

Plus loin, elle ajoute :

“Diviser en deux l’espace entre le permis et l’interdit crée une certaine anxiété sociale et conduit à des conduites d’évitement. Quand vous mangez exclusivement halal, vous pouvez éviter d’inviter quelqu’un qui ne mange halal chez vous par crainte qu’il vous invite à son tour. C’est d’autant plus vrai que ces conduites d’évitement sont accompagnées d’un discours de rejet de la nourriture . La confusion entre halal et pureté est préoccupante”.

Une pratique que l’on pourrait reprocher, entre autres, aux juifs, plus intransigeants encore quant au rapport qu’ils entretiennent avec la nourriture. Mais non, l’anthropologue le précise :

“Les deux marchés ne sont pas comparables. La cacheroute est née il y a plusieurs siècles, avant l’industrialisation. La séparation entre fonctions marchande et religieuse est instituée, même si elle peut etre transgressée, et elle a fonctionné pendant des siècles. Le marché halal, lui, est né industriel, fruit du néolibéralisme et du fondamentalisme, il n’y a pas de séparation claire. La norme halal est prise dans une surenchère marchande et religieuse. Personne ne contrôle l’extension du halal (…)”.

Le halal, une invasion, de l’islam politique sous cellophane…

“Cette politisation de l’islam est doublée d’une marchandisation du patrimoine culturel et intellectuel musulman. C’est un phénomène très inquiétant. Parce que ceux qui en profitent sont, outre les marchands spéculateurs, les fondamentalistes qui ont pour projet d’imposer cette forme dogmatique de l’islam dont se nourrissent les groupes identitaires d’en face pour organiser cette peur des musulmans”.

Interloqué, le journaliste l’interrogeant cette fois-ci dans Le Monde lui avouera même avoir découvert dans son livre que “manger halal n’est pas une stricte obligation”…

Ben voyons. Bientôt nous apprendrons-t-ils que de prières et jeûnes l’islam en serait lui aussi exempt… ?

Fort heureusement que ces journalistes, chercheurs et intellectuels sont là pour vous expliquer comment comprendre cette religion que vous connaissez si mal, ô vous sombres idiots mahométans que vous êtes ! Fort heureusement…

Article publié par Renaud KLINGLER dans Sarrazins

"Sarrazins" est un webzine indépendant, crée en 2016, qui a pour vocation d’apporter un regard musulman sur l’actualité

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