Points de vue

Islam politique, et alors ?

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A chaque fois qu’une Musulmane arborant le moindre voile est médiatisée, comme Maryam, la représentante locale parisienne du syndicat étudiant UNEF, ou même avec un semblant de foulard ou de turban, comme Mennel, la participante au concours de chant télévisé «the Voice», les intolérants déclenchent leur intolérable tollé. Par leur absolutisme anti-islamique tapageur, ils s’obstinent à transformer une innocente pratique vestimentaire en grave menace de l’équilibre laïc et républicain. Leurs cerveaux névrosés échafaudent alors de subtiles exégèses pour transformer les prestations de ces mouhtajibate[1] en outrages aux droits de la femme, en provocations identitaires, en prosélytisme religieux, en promotion de l’Islam politique voire en apologie du terrorisme. Bla, bla, bla…

Il n’y a bien que les laïcards complotistes pour déformer les motivations de ces Musulmanes et voir du « symbole politique », « de la provocation » ou une « dérive communautariste » (sous-entendue anti-française) dans leur simple aspiration à se conformer à une injonction islamique millénaire, celle de se couvrir décemment.[2] Objectivement, les provocateurs ne sont-ils pas plutôt ceux qui s’ingèrent dans ce qui ne les regarde pas pour exclure de toute activité sociale, professionnelle et politique des femmes visiblement émancipées. Ceux qui sont réfractaires à toute prescription religieuse, estiment que l’Islam de ces musulmanes-là est « régressif », en opposition à l’islam moderne, celui dépourvu de toute rigueur religieuse qu’ils fantasment et appellent de leurs vœux. De quoi je me mêle ! Entre celles qui se protègent et celles qui se dénudent outre mesure, comme les primitifs, lesquelles sont le plus en régression ?

Au cours des dernières décennies, pour faire interdire le foulard islamique au sein de l’école publique et faire proscrire le voile intégral dans l’espace public, les intransigeants de la République ont recouru à une laïcité dénaturée, à des législations spéciales voire ont invoqué hypocritement la dangereuse dissimulation du visage, hors période de carnaval évidemment… Pourquoi sous d’autres latitudes, les diverses communautés cohabitent-elles paisiblement – en affichant ouvertement leurs idéologies et leurs différences y compris vestimentaires – sans avoir à renier quoi que ce soit et sans que ça pose le moindre problème, alors qu’on juge impérieux dans le « pays des droits de l’homme » de faire disparaître les tenues arabo-islamiques ? Est-ce pour arranger leurs petites affaires intérieures ou enrayer un « grand remplacement » – qui semble inéluctable – que d’aucuns s’acharnent à effrayer les populations en faisant rimer Islam politique avec islamisme, obscurantisme, extrémisme voire terrorisme ?

Ceux qui abominent le voile et les tenues trop strictes et les qualifient d’instruments d’oppression des femmes ne font que défendre leur sectarisme et nullement le féminisme ou le progressisme. Renvoyons-les à leurs mères – ou à leurs grand-mères pour les plus jeunes – lesquelles savaient, elles, comment se vêtir en certaines circonstances afin d’être respectables et respectées. Et pendant qu’ils y sont qu’ils aillent donc dire en face aux chefs d’états dont les épouses se voilent, qu’ils soient saoudien, qatari, turc, iranien ou d’autres pays musulmans d’Asie et d’Afrique (à l’exception du Maghreb, bizarrement !!!), qu’ils ne sont que des arriérés et des dominateurs ! Et qu’ils aillent aussi enjoindre au Pape d’abandonner ce protocole « dépassé » qui contraint les femmes à se couvrir la tête en sa présence, et qu’il doit désormais les recevoir dans les tenues affriolantes de leur choix ! Il est certes plus commode de persécuter des individus sans défense, issus de minorités désarmées, pour en faire des souffre-douleurs et des boucs émissaires en période de crise, que de faire la leçon aux puissants dont on est les obligés, les fournisseurs ou les clients…

Aujourd’hui, dans l’Hexagone, pour être acceptés les Musulmans devraient raser les murs, se justifier et s’excuser à tout bout de champ de ne pas être comme les autres. Vous avez le droit d’être Musulmans, qu’ils disent, à condition de faire comme on dit, en clair d’abandonner les pratiques islamiques visibles : Pas de foulard, pas de barbe, pas de djellaba, pas de prières à la mosquée, pas de jeûne de Ramadan, pas de viande Halal, rien de ce qui peut nous rappeler votre religion. Eh bien non ! Jusqu’à preuve du contraire, dans le cadre des lois de la République, selon l’expression consacrée, tout un chacun est libre de pratiquer librement et volontairement la religion qu’il veut et de faire de la politique, et même de l’Islam politique. Et toc !

Daniel-Youssof Leclercq

[1] Mouhtajibate = Femmes voilées, en arabe. À ne surtout pas confondre avec Moudjahidates = Combattantes.

[2] « Ho, le Prophète ! Dis à tes épouses, et à tes filles, et aux femmes des croyants, de ramener sur elles leurs grands voiles : elles en seront plus vite reconnues et exemptes de peine. Et DIEU reste pardonneur, miséricordieux. » (Coran 33 :59). « Et dis aux croyantes qu’elles baissent leurs regards, et qu’elles gardent leur chasteté, et qu’elles ne montrent de leurs parures que ce qui en paraît, et qu’elles rabattent leur voile sur leur poitrine ; et qu’elles ne montrent leurs parures qu’à leur mari, ou à leur père, ou au père de leur mari, ou à leurs fils, ou aux fils de leur mari, ou à leurs frères, ou aux fils de leurs frères, ou aux fils de leurs sueurs, ou à leurs compagnes, ou aux esclaves que leurs mains possèdent, ou aux domestiques mâles qui n’ont pas le désir, ou aux garçons qui n’ont pas encore puissance sur les parties cachées des femmes. Et qu’elles ne fassent pas sonner leurs pieds de façon que l’on sache de leurs parures ce qu’elles cachent. Et repentez-vous tous devant DIEU, ô croyants. Peut-être serez-vous gagnants ? » (Coran 24 :31). À sa jeune belle-sœur Asma (lui étant interdite de mariage par le Coran 4 :23) qui portait des vêtements fins, le Prophète ﷺ enjoignit : « Quand une fille est pubère, il sied de ne laisser voir d’elle que ça et ça, en montrant le visage et les deux mains ». (Abou Daoud 30/31).

Crédit photo : Reuters

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