Histoire

Biographie du grand géographe Al Idrissi

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Géographe, cartographe, botaniste et sociologue d’avant l’heure, musulman, Abu Abdallah Muhammad Ibn Muhammad Ibn Abdallah Ibn Idrissi al-Qurtubi al-Hassani, est né en 492H (1099G) à Ceuta, actuel pied à terre espagnol au Maroc.

Evoluant tout d’abord à Cordoue, capitale de l’Espagne musulmane encore sous le pouvoir des Almoravides, il entame sa carrière scientifique en opérant d’abord en une période d’itinérance, de plusieurs années, en voyageant jusqu’en Asie Mineure. A ses 39 ans, sans que l’on sache trop pourquoi, on le retrouve à Palerme, en Sicile. Cette petite île, au sud de l’Italie, si elle n’est pas encore le fief de la mafia italienne, est depuis redevenue chrétienne, après que les Normands, vikings d’alors, l’eurent reprise aux musulmans l’ayant colonisée plus tôt. L’on dit alors qu’il fut invité par le roi de Sicile Roger II, mais selon certaines sources, il semblerait s’être écoulé plusieurs mois entre son arrivée et le moment où on le retrouve près du souverain. Peut-être l’invasion de l’Espagne par les Almohades, quelque peu hostiles à certains savants et courants scientifiques, l’eut contraint à fuir… Al-Idrissi y restera en tous cas jusqu’à sa mort, en 560H (1165G).

Sur place, il interroge les marins et commerçants, passant dans les ports de l’île, enquêtant sur le monde traversé par ces derniers, et collectant nombre d’informations. Carrefour des cultures, les musulmans y sont encore très nombreux, les vikings se sont largement imprégnés des mœurs locales et ont fondé un royaume tolérant et aux influences véritablement diverses. Ceci avant qu’il ne bascule dans le despotisme en 1197, suite à l’arrivée d’un nouveau souverain déportant alors tous les musulmans en Italie du Sud… Le roi Roger II lui confie d’abord la réalisation d’un globe en argent, de 400kg, avant de lui réclamer un livre de géographie commentant le globe. ”Kitâb nuzhat al mushtâq fi-ikhtirâq al-afâq’’ (Livre du divertissement de celui qui désire parcourir le monde), connu sous le nom de ‘’Livre de Roger’’ est ainsi une 1ère version, datant approximativement de 552 (1157G), suivit d’une version plus complète : ‘’Kitab al-Mamalik wa al-Masalik’’ (Le livre des royaumes et des routes), écrit plus tard.

Il y décrit de manière très codifiée les pays, villes principales, routes et frontières, les mers, fleuves et montagnes ; en commentant ses cartes à la manière d’un guide suivant son itinéraire. L’inspiration vient avant tout du grec Ptolémée, mais aussi de plus récents géographes espagnols et arabes. Compilant des informations déjà existantes, il y ajoute ses propres observations, recueillies au fil de ses voyages ou lors de ses collectes en Sicile. Si les débuts de la géographie arabe privilégiaient l’usage de calculs astronomiques pour la réalisation des cartes ; à partir de Ibn Hawqal, un de ses prédécesseurs, l’on tend à préférer le voyage. C’est dans ce courant, appelé géographie des routes et des royaumes qu’al Idrissi s’inscrit. Il s’agit ainsi et aussi d’intégrer la pensée grecque dans une vision islamique du monde.

Pourvu de 70 cartes, représentant d’ailleurs le sud en haut et le nord en bas, l’ouvrage use de la théorie antique des 7 climats. Le monde divisé en 7 bandes, d’est en ouest, chacune étant liée à un climat influant sur la nature des hommes. Ceux vivant dans les zones les plus tempérés, seraient alors plus propices à la civilité, quand ceux s’en éloignant, à la barbarie. Al-Idrisi souscrit également à la théorie de la sphéricité de la Terre, et pense que le reste du monde est recouvert d’un grand océan : ‘’la terre est ronde comme une sphère ; si ce n’était pas le cas, comment l’eau y tiendrait-elle ?’’. Plus étonnant encore pour l’époque, il retrace le récit de marins maures ayant navigués dans la mer ‘’des ténèbres et de brouillard’’ – l’Océan Atlantique – en vue d’y découvrir ses limites :

”Au-delà de cet océan de brouillard, on ne sait pas ce qui existe (…) Son atmosphère est brumeuse, ses vagues sont très fortes, ses dangers sont périlleux, ses bêtes sont terribles, et ses vents sont pleins de tempêtes. Il y a beaucoup d’îles, dont certaines sont habitées, d’autres sont submergés. (…) Et c’est de la ville de Lisbonne, que les aventuriers énoncés connus sous le nom de Mugharrarin (les séduits), pénétrèrent la mer de brouillard et voulaient savoir ce qu’elle contenait et où elle se termine. (…) Après avoir navigué pendant plus de 12 jours ils aperçurent une île qui semblait être habité, et il y avait des champs cultivés. (…) Mais bientôt, les barques les ont encerclé, emprisonné et les ont transporté jusqu’à un misérable hameau situé sur la côte. (…) Les navigateurs ont vu là-bas des gens qui ont la peau rouge, il n’y avait pas beaucoup de cheveux sur leur corps, les cheveux de leurs têtes étaient droits, et ils étaient de haute taille. Leurs femmes étaient d’une beauté extraordinaire.” (1) Cet extrait, ici une traduction de “al Idrissi’s account of the Atlantic Ocean’’, publié par Mohammed Hamidullah en 1968, a souvent été compris comme une 1ère découverte de l’Amérique par les musulmans. Mais il semblerait, du à la durée de quelques jours seulement du voyage, que ce soit, comme l’attestent d’autres chercheurs, les Açores, que les marins trouvèrent sur leur chemin, et non l’Amérique. Allah en est bien entendu plus Savant.

Autre élément particulier à son œuvre encyclopédique, l’absence de références politiques. Lorsqu’il traite de l’Espagne, rien n’est dit sur la Reconquista, et pas plus est dit sur les croisades en court en Palestine. Il faut dire que nous sommes alors en une période de réveil chrétien, où l’Europe tend à gagner en puissance et influence. Une neutralité lui permettant peut-être de rendre plus accessible son travail. Mais d’aussi réaffirmer une certaine rigueur scientifique, propre à la civilisation islamique en ce temps, et dont les chrétiens avaient alors beaucoup de mal à faire primer sur leurs positions théologiques.

Le livre est cité, copié, repris, et commenté dans tout le monde arabo-musulman. Mais en Occident, connu sous le nom de Dreses, il ne sera largement diffusé qu’après avoir été imprimé – en caractères arabes – à Rome, puis traduit en latin plus de 4 siècles plus tard, devenant une carte de référence pour nombre de grands explorateurs. Al Idrissi a aussi rédigé des traités de botanique, dont ‘’Kitab al-Jami-li-Sifat Ashtat al-Nababat’’. Il collectionnait les plantes et travaillait sur les plantes médicinales, traduisant même les noms des médicaments en 6 langues.

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