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Les musulmans veulent prier dans la légalité à Saint-Laurent-du-Var
Depuis une dizaine d’années, ils ont transformé en salle de prières deux garages au pied des HLM du Point-du-Jour… Menacés d’expulsion, ils demandent à louer une salle pour pratiquer leur culte.
Pourquoi vous prenez encore en photo la mosquée », lâche un petit affranchi, habillé en footeux, avant de se faufiler en traînant des baskets dans sa tour.
La mosquée. Bien grand mot. Au pied des tours des HLM du Point-du-Jour, deux portes de garage. Vertes. Passées. Et anonymes. Mais toute la cité sait que depuis une dizaine d’années, le local a été transformé en salle de prières. Maintes fois expulsés, les fidèles musulmans laurentins ont rouvert leur lieu de culte. Ils demandent depuis des années à ce qu’il soit« légalisé ».
Entre deux voitures sur cales, deux épaves à moitié cramées et des poubelles remplies à bloc, les musulmans sont rassemblés pour faire entendre leur voix.
Chaque jour en moyenne, quelque 50 fidèles viennent prier. Ils habitent la cité. Mais pas que. Car le lieu de culte du Point-du-Jour est la seule salle de prières de Saint-Laurent-du-Var. « Sinon, il faut aller à Carros, Cagnes ou Nice. Et c’est impossible lorsque l’on travaille à Saint-Laurent », explique Hakim qui se faufile discrètement dans la barre 4 des HLM laurentins. Il ne veut pas en dire plus : « Vous savez, c’est mal vu les salles de prières aujourd’hui. »
«On n’est pas des squatters»
Raouf et Mourad Kachroub – neveu et oncle – ont pris le dossier en main.
Pour eux, c’est une aberration totale. « On veut payer, mais Côte d’Azur Habitat (ex-OPAM, le bailleur social, ndlr) ne veut pas accepter nos chèques de loyers. Ils refusent de nous louer ! »
Les deux Laurentins, qui ont grandi au Point-du-Jour, comprennent les arguments du bailleur social.
« On sait que le local n’est pas aux normes, il n’y a pas d’issue de secours. Mais de l’autre côté des immeubles, il y a un local qui était occupé par l’association la Clef, on a proposé de le reprendre en location par le biais de notre association. »
Réponse : non…
« On n’est pas des squatters, on veut pouvoir prier dans la légalité. Nous avons créé une association parce que nous avons des projets : aide aux devoirs, insertion. Nous souhaiterions aussi mettre en place une boîte à outils, pour échanger des services entre fidèles. Certains d’entre nous, issus de l’immigration, ne parlent pas français, on veut pouvoir les aider dans leur démarche et pour écrire les papiers. »
Raouf et Mourad balancent leurs mains et soufflent leur révolte. « On ne veut pas qu’on nous donne un local, ni qu’on nous le prête, on veut payer. Ça fait 10 ans qu’on squatte parce que personne n’a jamais voulu prendre notre argent. C’est un comble, non ? »
Patrick Villardry, l’adjoint à la Sécurité du maire de Saint-laurent-du-Var Joseph Segura, suit le dossier. « Je ne suis pas favorable à une mosquée bien sûr, en revanche, il me paraît normal qu’ils puissent avoir, comme toutes les autres religions, un lieu de culte. »
L’adjoint au maire insiste :« Légaliser une salle de prières, cela permet aussi d’éviter l’islam des caves. Les fidèles ici sont des mesurés. Des religieux. Des gens bien. Cela nous garantit aussi une certaine paix sociale. »
« Les jeunes sont en demande, vous savez », lâche Mourad qui veut autre chose pour sa cité .
« Quand j’étais môme, je descendais au pied des immeubles, juste à côté, là, il y avait les bulles. On avait des choses à faire. Aujourd’hui, j’habite à Antibes, mais j’ai vécu 18 ans dans cette cité. Et c’est ici que je viens prier, car mes parents habitent toujours au Point-du-Jour. Ici, ils ont quoi à faire les jeunes maintenant ? Rien ! »
« Fermeté »
Et Raouf complète : « On en a marre d’être montrés du doigt. On a une mauvaise image. Regardez-nous. On est français, on a grandi en France, on a été élevés en France, on a fait des enfants en France. On veut pouvoir prier en toute légalité. Pour moi, la République ça veut dire quelque chose. Ce sont des valeurs. Que j’ai. On ne veut pas enfreindre la loi. »
« Liberté, égalité, fraternité », sourit Mourad. « Liberté, de moins en moins. Égalité, ça dépend pour qui et quoi. Fraternité, je l’espère encore. »
Joseph Segura affiche de son côté sa « fermeté ». « Il faut faire respecter la loi, c’est important. Donc on ne tolère pas les squats. En revanche, il va falloir trouver une solution ensemble pour qu’ils puissent exercer leur culte. C’est normal. Sans ça, vous prenez le risque de voir pousser l’islam vers des dérives extrêmes. Les jeunes, s’ils se sentent marginalisés, pourraient s’égarer dans un islam dur. »
Le maire ajoute :« En accord avec Côte d’Azur Habitat et la préfecture, leur expulsion, qui devait se faire cette semaine, a été repoussée. »
Source : nicematin.com