Points de vue
Ennemis de quelle République ?
La République n’est pas la France. Pour faire court, initialement la France était la Gaule avec un peuple de Gaulois devenu Francs lesquels ont donné leur nom à ce pays. Selon l’histoire de France enseignée dans les écoles de la République, après Clovis, le premier roi des Francs, se sont succédés des dizaines de rois et d’empereurs : les Mérovingiens, les Carolingiens, les Capétiens, les Valois, les Bourbons, les Bonaparte, les d’Orléans… [1] La monarchie, qu’elle soit fédérative, féodale, absolue ou constitutionnelle a été la norme dans le Royaume de France de 481 après J.C. jusqu’en 1792. Ce sont les « représentants du peuple », autrement dit les Révolutionnaires, qui ont créé la Première République, en tranchant des têtes y compris celles des ténors qui l’ont instaurée, (Danton, Robespierre, Desmoulins, Saint Just, Hebert, de Gouges, etc.) et en coupant ainsi court momentanément à toute velléité de succession royale. La République peut donc faire perdre la tête…
Vingt ans après l’émergence de cette Première République, un certain Napoléon Bonaparte s’est fait couronner Empereur des Français, régnant de 1804 à 1815. Après Napoléon Premier, la royauté a été restaurée jusqu’en 1848 et Louis Napoléon Bonaparte, neveu du Premier, a dirigé une Seconde République pendant 4 ans avant de devenir lui-aussi empereur de 1852 à 1870. Une guerre avec les Prussiens a mis fin au Second Empire de Napoléon III. Une Troisième République a duré de 1875 à 1940, jusqu’à une autre guerre avec l’Allemagne nazie, se dotant d’un arsenal législatif laïc pour museler toute revendication religieuse. Après le gouvernement étatique provisoire du Maréchal Pétain (en collaboration avec l’occupant allemand), le Général Charles de Gaulle instaura une Quatrième République de 1946 à 1958 puis fonda et présida jusqu’en 1968 la Cinquième République actuelle, en la dotant d’une constitution quasi inamovible.
Donc, en résumé, « La République » n’a en gros qu’un siècle et demi d’existence parmi les quarante siècles qui nous contemplent, comme aurait dit le Napoléon Premier sus cité.[2] C’est un peu jeune pour la ramener. De plus, le « modèle républicain » a été suspendu à plusieurs reprises avec le retour au pouvoir de monarques et d’empereurs pendant près de soixante-dix ans de parenthèse monarchique. Il n’est donc ni infaillible ni irrévocable. « La République », telle qu’on la connait aujourd’hui, avec sa constitution intangible et sa laïcité dévoyée employée comme arme de destruction religieuse massive, en est donc à sa cinquième « update ». Elle est donc perfectible, à telle enseigne que des politiciens comme Jean-Luc Mélenchon ambitionnent l’avènement d’une Sixième République pour « abolir la monarchie présidentielle » et « rendre le pouvoir au peuple ».[3] Comme quoi ça sert de connaître l’histoire de France, pour rabattre le caquet des roquets républicains qui se croient propriétaires du pays alors qu’ils ne sont que locataires, avec un bail de cinq ans reconductible (ou non) par ceux qu’ils veulent domestiquer. On leur balance un os à ronger mais ils réclament effrontément du steak…
Ceux qui accusent les « islamistes » – les Musulmans pour être tout à fait exact – d’être des ennemis de la République devraient préciser leurs griefs au lieu de dénigrer à tout bout de champ. L’histoire a montré que les adeptes de l’Islam s’accommodaient aussi bien de la royauté que du régime républicain. Il existe des républiques islamiques depuis près d’un siècle,[4] comme au Turkestan entre 1933 et 1934, au Pakistan depuis 1973, aux Comores depuis 1978, en Iran depuis 1979, en Mauritanie depuis 1991, en Afghanistan depuis 1992, en Gambie depuis 2015. En France on devrait y venir prochainement, si on se fonde sur la prophétie énoncée par Michel Houellebecq dans son roman d’anticipation « Soumission »[5]. Je rigole mais, la liberté d’expression étant à géométrie variable au pays des lumières tamisées, je me hâte de me désolidariser de l’avanie surréaliste et péjorative du sieur Houellebecq, avant d’être inculpé de complicité d’incitation à une hypothétique révolution islamique.
Les Musulmans les plus religieux ont de bonnes raisons d’avoir de l’inimitié pour les discriminations et les tracasseries perpétrées par la présente République à laquelle ils reprochent ses velléités laïcistes, en lieu et place de la laïcité bienveillante envers les pratiques religieuses promise par la loi de 1905 de séparation des églises et de l’Etat. Il leur est aujourd’hui expressément défendu de s’insurger contre les abus de pouvoir gouvernementaux et d’œuvrer pour faire évoluer la société vers plus de tolérance, sous peine d’être accusé de faire de la provocation et de prôner un Islam politique ennemi des « incontestables valeurs républicaines». Après avoir été labellisés improprement comme « séparatistes », ils pourraient bientôt voir leur sobriquet muter en « évolutionnistes », dans le sens négatif du terme. A moins que la situation n’évolue dans le bon sens.
[1] Wikipedia_liste_des_régimes_français et Wikipedia_liste_des_monarques_de_France
[2] « Soldat, songez que, du haut de ces pyramides, quarante siècles d’histoire nous contemplent » aurait proclamé Napoléon Bonaparte au cours de la Campagne d’Egypte avant la bataille des Pyramides. (Discours à l’armée d’Égypte, 21 juillet 1798)
[3] La-6eme-republique-un-fantasme-de-jean-luc-melenchon-2/
[4] République_islamique_Wikipédia
[5] Soumission – Michel Houellebecq – Editions Flammarion – 2015.
https://integritydyl.wordpress.com/2020/09/27/ennemis-de-quelle-republique/