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Comment les mosquées cherchent à s’autofinancer à travers le Waqf
Plus de 80% des mosquées de France sont construites avec l’argent des fidèles collectés dans les mosquées de l’hexagone, révèle un récent rapport sénatorial. Mais une fois construite, une mosquée a besoin d’argent pour fonctionner (charges, salaires de l’imam, des enseignants et du personnel administratif). Un casse-tête pour les associations contraintes de solliciter encore une fois les fidèles tous les vendredis et durant les grandes occasions (Ramadan, fêtes). Mais ces dernières années, on assiste à l’émergence de projets parallèles conçus pour permettre aux mosquées de s’autofinancer. On appelle cela dans le droit islamique : le waqf.
On parle souvent de Sadaqa jariya sans vraiment en saisir la portée. Le compagnon et troisième calife de l’islam Othman ibn Affan était une référence en terme d’investissement dans le waqf…. Il était très généreux et avait fait don de nombreuses terres et puits aux musulmans de son vivant. Il avait laissé de véritables waqfs à la communauté de telle sorte qu’aujourd’hui encore ses dons donnent des fruits et qu’il existe même un compte bancaire en son nom. Ainsi, plus de 1400 ans après, le généreux donateur récolte encore les fruits de son don.
Dans cet article, nous avons choisi de parler de quatre projets plus au moins avancés pouvant inspirer d’autres associations gestionnaires de mosquées.
ABATTOIR TEMPORAIRE DE SAINT-ÉTIENNE
L’abattoir temporaire de Saint-Etienne est un projet original concrétisé depuis 2015. Fonctionnel seulement trois jours par an, soit les jours de Aïd El Adha, il permet par ses recettes de financer l’ensemble des activités de la mosquée de Montreynaud pendant toute une année ! Efficace, utile et rentable, cet abattoir dans lequel l’association a investi 400 000 euros permet aux musulmans de la ville mais aussi des autres villes alentours (Lyon, Roanne) de sacrifier leurs bêtes tout en respectant le rite traditionnel et les normes sanitaires et environnementales en vigueur. Les normes sont respectées, sous le contrôle de la direction départementale de la protection des populations (DDPP) et de vétérinaires agrées. Trente personnes travaillent sur la chaîne d’abattage, des professionnels formés au bien être animal. Trente autres sont bénévoles et participent à la bonne organisation (parking, sécurité). Plus de 1 200 bêtes sont sacrifiés pendant cette fête. Beaucoup se rendent en famille sur le site pour suivre en temps réel le déroulement du processus du sacrifice.
L’Association Cultuelle des Musulmans de Montreynaud Saint-Étienne qui a imaginé et a permis à ce projet de voir le jour se dit prête à apporter conseil et expertise aux associations désireuses de reproduire ce type de projet ailleurs.
CENTRE ANNOUR DE MULHOUSE
Projet unique en France mais loin d’être fonctionnel, la partie waqf de ce complexe comprend des équipements novateurs, utiles à la communauté musulmane du XXIe siècle et conformes à l’éthique musulmane, et permettant à l’Association des Musulmans d’Alsace gestionnaire du centre d’être indépendante financièrement via la location ou l’exploitation de ces différents espaces. Pour l’instant, bien que la partie cultuelle du centre soit ouverte, l’ensemble du sous-sol qui abrite des commerces, une piscine semi-olympique, une morgue, des salles de sport, un jacuzzi et un hammam reste encore en travaux. Ces derniers sont à l’arrêt faute de financement. Seule la morgue est prête mais pas encore exploitée. Un restaurant est également prévu au rez-de-chaussée.
Un terrain à proximité du centre a également été acquis par l’association. Il est prévu à l’avenir d’y construire des appartements destinés à la location. Pour l’instant, le projet est encore en phase d’idée.
PROJET WAQF DE VIGNEUX-SUR-SEINE
Depuis son ouverture en 2008, la mosquée de Vigneux-sur-Seine multiplie les projets à vocation communautaire. Il y a eu l’ouverture du groupe scolaire privé Rhazès qui abrite une école élémentaire, tout près de la mosquée puis en 2011, la genèse du projet waqf considéré comme le plus important projet de l’histoire de l’association. Ce projet consiste en la construction d’un complexe polyvalent qui garantira la pérennité des activités de la mosquée sur le plan économique en assurant des revenus réguliers à l’association et au niveau logistique en permettant le développement de ses activités. Sur un terrain propriété et situé en face de la mosquée, il est prévu la construction d’un complexe comprenant 24 appartements, 20 bureaux, 7 commerces de proximité et un parking souterrain de 75 places. L’association envisage d’élargir le groupe scolaire Rhazès pour y inclure un collège et un lycée qui prendront place dans le futur complexe.
On ignore à ce stade le coût total exact de ce projet mais sans doute plusieurs millions d’euros. Depuis une dizaine d’années, l’association organise des collectes un peu partout en France grâce notamment à l’imam Mohamed NAJAH très efficace pour présenter le projet et motiver les fidèles à participer. A chaque fois, ce sont plusieurs milliers d’euros qui sont collectés.
WAQF DE L’ASSOCIATION DES MUSULMANS DU HAVRE
Pour s’autofinancer, l’Association des Musulmans du Havre qui gère deux mosquées dans la cité portuaire (Mosquée Essalam & Centre Islamique du Havre) envisage dans un premier temps d’acquérir un immeuble d’habitation à visée locative et disposant également d’un local commercial. Le prix d’achat du bien s’élève à 250 000€. A ce jour, 175 000€ sont déjà collectés.
En plus de couvrir les besoins et frais de fonctionnement de ces deux mosquées, la 2ème phase de ce projet aura pour vocation de devenir un réel moteur dans le lancement de projets socio-économiques indispensables à la communauté (dons de denrées, assistance aux démunis, etc.), de projets éducatifs (soutien financier à l’institut Nafîi), et d’autres projets destinés à la formation, au management et à l’entraide entre les associations musulmanes de la ville et d’ailleurs. D’autres projets immobiliers similaires sont en cours dans plusieurs autres villes de France.
Précisons qu’en plus de financer les mosquées et les écoles, les recettes du waqf permettent aussi de financer des bourses d’étude pour les futurs cadres religieux (imam, enseignants) ou encore la publication et la diffusion d’ouvrages divers.