Histoire

Al-Zahrawi, le père de la chirurgie moderne

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«Une fois la trachéotomie décidée, il faut inciser au-dessous du troisième ou quatrième anneau de la trachée, peu largement et en travers, entre deux anneaux, de manière à ne point intéresser les cartilages, mais seulement la membrane [intercartilagineuse] (…). Laissez quelque temps la plaie ouverte. Quand vous jugerez qu’il n’y a plus danger de suffocation, vous réunirez les deux lèvres de la plaie, mais en ne comprenant dans la ligature que la peau et non les cartilages. Vous panserez ensuite avec des médicaments qui excitent les chairs jusqu’à la guérison (…).»

Ce texte décrivant l’opération de l’incision du larynx (trachéotomie) est extrait du Tasrif, un grand ouvrage de trente volumes écrit par le plus célèbre des chirurgiens du Moyen-Âge, Abu al-Qasim al-Zahrawi (936-1013), plus connu en occident sous le nom d’Albucasis. Né et élevé à Madinat al-Zahra à la périphérie de Cordoue où il passe toute sa vie, al-Zahrawi est considéré comme le père de la chirurgie moderne. Il fut médecin à la cour d’Al Hakam II puis celui d’Almanzor (Al Mansour) sous le Califat omeyyade de Cordoue.

AL-TASRIF, UNE ENCYCLOPÉDIE EN TRENTE VOLUMES

Al-Zahrawi a décrit et complété de nombreux gestes et outils chirurgicaux. Il fut le premier à décrire dans son Al-Tasrif la méthode que l’on appelle aujourd’hui «Kocher» pour le traitement d’une épaule disloquée, ainsi que la position «Walcher» en obstétrique. On retrouve également dans son encyclopédie la description détaillée de la ligature des vaisseaux sanguins, des siècles avant qu’Ambroise Paré ne popularise la méthode. Il fut également le premier à écrire des livres sur les appareils dentaires et à avoir décrit la nature héréditaire de l’hémophilie. Il est également le premier, en 963, à avoir décrit la grossesse extra-utérine et ses conséquences mortelles.

Son ouvrage intitulé “Kitab al-Tasrif” (كتاب التصريف لمن عجز عن التأليف ; Le Livre de la méthode [médicale] pour celui qui paresse d’écrire), traite en trente volumes tous les domaines de la médecine et de la chirurgie. Son auteur rend souvent hommage aux grands anciens comme Hippocrate, Galien et Celse.

Al- Tasrif est divisé en trois parties : 1) sur la théorie et les généralités de la médecine ; 2) sur les maladies : le régime chez l’enfant et les vieillards, la goutte, les rhumatismes, les abcès, les plaies, les poisons et les venins, les affections externes de la peau et la fièvre ; 3) sur la chirurgie.

La partie chirurgicale de son œuvre (soit un cinquième de son encyclopédie) intéresse très tôt l’Occident. Elle est traduite en latin au XIIe siècle par Gérard de Crémone pour devenir une référence chirurgicale. Au XIVe siècle, le traité de chirurgie du français Guy de Chauliac en contient 173 citations littérales. Pietro Argallata dépeint Abu al-Qasim comme étant «sans l’ombre d’un doute le roi des chirurgiens». Son traité chirurgical est également imprimé à Venise à la fin du XVe siècle (1497 ou 1500 selon les sources) bien avant les premières éditions de Galien (1525) et Hippocrate (1526).

Page d’une traduction latine de 1531 par Peter Argellata du traité d’Al-Zahrawi sur les instruments chirurgicaux et médicaux

Le traité sur la chirurgie est divisé en trois livres, tous organisés dans l’ordre «de la tête aux pieds», avec représentation illustrée de tous les instruments nécessaires pour opérer. Ces représentations perdent de leur qualité au fur et à mesure de leurs copies. En 1998, on connait 42 copies manuscrites en arabe, 27 en latin, 1 en hébreu et 1 en provençal, dispersées dans les plus grandes bibliothèques occidentales et du monde islamique.

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