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La France de Khadija

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Femme voilée

Il est presque 5 heures du matin quelque part dans la petite couronne parisienne. Ce grand quartier de banlieue est encore endormi. Les travailleurs matinaux sortent des tours de béton. Les uns se dirigent vers les arrêts de bus, les autres se réfugient dans leurs voitures. Il fait froid. *Khadija aussi sort de chez elle pour prendre son bus* qui la conduira à son lieu de travail. A la maison, tout le monde dort encore. Son mari va bientôt se réveiller et plus tard il emmènera leurs trois enfants à l’école du quartier.

45 minutes plus tard le bus dépose Khadija dans la zone industrielle où se trouve l’usine dans laquelle elle travaille. Une seule clé lui ouvre tous les bureaux qu’elle doit nettoyer un par un. L’endroit est vide et calme. De 6 heures à 9 heures, elle nettoie les bureaux, les couloirs et les toilettes. Grâce à elle, quand le personnel arrivera il profitera de cette odeur de propre et de lavande qui règne dans tous les étages.

A son retour à la maison, Khadija prépare le déjeuner qu’elle ne prendra pas avec son mari. Peu avant midi, Khadija rejoint la maison de retraite de la ville. Là aussi elle nettoie les chambres, les couloirs et les toilettes. Elle passe alors devant la chambre d’une habituée. La chambre est vide. Accrochée alors à son balai, elle repense aux moments où elles échangeaient leurs souvenirs où chacune prenait soin de l’autre. Dans ce moment d’égarement, *Khadija n’arrive pas à retenir sa larme* et se met à prier Dieu pour qu’IL lui fasse miséricorde. Dans ces instants la religion des uns et des autres n’a plus d’importance.

A 18 heures, c’est dans l’école de son quartier que Khadija terminera sa journée de travail.

Enfin de retour à la maison après cette série de petits boulots enchaînés les uns derrières les autres pour une misère. Elle aide alors les enfants dans leurs devoirs, puis quand leur papa rentre enfin, ils mangeront en famille puis au lit tout le monde.

Khadija, elle, ne dort toujours pas, elle reste assise dans le salon, au calme, au chaud, au milieu de quelques livres, de quelques photos.

Elle prend ses lunettes, empoigne son ordinateur et scrute l’actualité et ses mails. *Son doctorat de physique en poche, Khadija* n’a jamais pu trouver de travail à la hauteur de ses compétences. Lassée de constater que les recruteurs ne voyaient que son voile, elle a fini par céder. Sa foi, ses études, son travail, sa famille, Khadija ne regrette rien. Ni colère, ni désespoir.

Elle tombe alors sur des articles qui ne la surprennent plus. On y parle de l’Islam, des musulmans, du grand remplacement, de Zemmour, de BFM, des mêmes depuis quelques années. Fatiguant.

Khadija a toujours cru que la France serait toujours plus forte que les idées nauséabondes qui s’y répandent. Elle n’est plus très sûre.

Il se fait tard, le salon est toujours silencieux, Khadija se lève pour accomplir sa dernière prière de la journée. Elle termine assise à même le sol. Elle lève alors les bras vers le ciel pour implorer Dieu afin que la France aille mieux. Elle est inquiète et perdue. Elle ne reconnait plus la France qu’elle a connue durant son enfance. *Elle ne s’inquiète pas pour elle mais pour ses enfants.*

Car il est loin le temps où dans son quartier *70 nationalités vivaient en harmonie*. Les coutumes des uns et des autres ne dérangeaient personne. Aux communions, les petits chrétiens rejoignaient l’église dans leurs beaux habits blancs tout comme à l’Aïd quand les petits musulmans mettaient leurs beaux habits. Les fins de mois étaient difficiles pour tous mais peu importe, on se respectait, on s’appréciait.

C’était le temps où on partageait le pain, les gâteaux, le thé, les joies et les tristesses. Khadija a connu ce temps et ses enfants auront peine à croire qu’une telle époque de tolérance ait pu exister.

La France de Khadija n’existe plus.

Walid LOTFI

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