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Les musulmans d’Inde et du Cachemire cibles de l’hindouisme politique

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Il est difficile de comprendre ce qui se trame aujourd’hui contre les musulmans en Inde et au Cachemire sans avoir une brève connaissance d’un concept central dans la pensée hindoue moderne : l’Hindutva.

Flashback : nous sommes en 1923, les Indes toutes entières sont britanniques et Gandhi a pris la tête du Parti du Congrès qui prône un État indépendant et démocratique qui unirait musulmans et hindous. 1923, c’est aussi l’année où, à des milliers de kilomètres de là, le califat semble plus menacé que jamais par les velléités modernistes d’Atatürk : les musulmans d’Inde, très attachés à cette institution, sont en ébullition, leurs leaders se regroupent au sein du « All India Khilafat Commitee » et s’allient avec Gandhi pour mener des actions de désobéissance civile à grande échelle, bien qu’ils soient divisés sur la voie à suivre à long terme (État indien unitaire, État national pour les musulmans des Indes ou grande union pan-islamique).

Un homme, alors emprisonné, n’est guère enthousiasmé par ces événements et évolutions : cet homme, c’est Vinayak Damodar Savarkar. Pour ce nationaliste hindou pur et dur (bien que lui-même athée), il n’est pas question d’un État unitaire ou d’alliance : le véritable ennemi n’est pas le Britannique, mais bien le musulman, cet ennemi héréditaire de l’Inde éternelle et cet envahisseur qui l’a dominée tant de siècles. Et la puissante mobilisation des musulmans locaux au sein du mouvement pro-califat ne fait que le confirmer dans l’idée qu’ils ne sont que des âmes définitivement perdues à la cause de l’Inde « authentique »…

Savarkar élabore ainsi le concept de l’Hindutva, qui définit la nation hindoue à la fois historiquement (à travers une mythologie racialiste autour des Aryens, encore eux), géographiquement, culturellement et ethniquement, y inclut toutes les religions indigènes (hindouisme, bouddhisme, jaïnisme, sikhisme) et en exclut naturellement chrétiens et surtout musulmans pour qui la haine de ses partisans atteint des sommets irrationnels. Il s’agit par là d’unir l’une des aires culturelles les plus diverses et hétérogènes au monde, formée de dizaines de peuples, ethnies, langues et religions qui n’avaient jamais véritablement été unis politiquement à travers l’Histoire (si ce n’est paradoxalement sous les Britanniques), en un seul bloc dressé contre un élément défini comme l’étranger à chasser, inassimilable à la nature profonde de l’Inde : l’islam.

Sur cette base idéologique se développe rapidement le RSS, mouvement nationaliste hindou relativement influencé par les mouvements fascistes contemporains en Europe, qui cherche à concrétiser les idéaux de l’Hindutva sur le terrain. C’est l’un de leurs membres qui assassine Gandhi en 1948, pour avoir été supposément trop complaisant à l’égard des musulmans lors de la partition des Indes britanniques et de la naissance du Pakistan. Dans la foulée, le RSS est interdit et des milliers de ses partisans arrêtés. Les partisans de l’Hindutva vont se faire plus discrets durant les 3 décennies suivantes, à l’écart de la scène politique, et n’interviennent que sur les volets social et humanitaire où ils étendent leur influence; jusqu’à la création du BJP, en 1980, qui enchaîne peu à peu les succès électoraux et détient depuis quelques années un pouvoir quasi-absolu sur le pays.

Aujourd’hui donc, le BJP au niveau politique et les associations du Sangh Parivar au niveau sociétal dominent l’Inde à presque tous les niveaux et ont les coudées franches pour dérouler leur programme : militarisme et expansionnisme, puisqu’il s’agit pour eux de revenir aux frontières naturelles de la nation hindoue, qui incluent évidemment le Cachemire occupé (où la colonisation vient d’être officiellement lancée) mais aussi le Pakistan, le Bangladesh et même l’Afghanistan; la réécriture de l’Histoire pour effacer tout le passé islamique du sous-continent, par les manuels scolaires, la destruction du patrimoine ou la marginalisation de la langue ourdoue; sous couvert de « lutte contre le prosélytisme », la volonté de faire « revenir » les musulmans indiens à la religion originelle de leurs ancêtres par les persécutions, les actions coup de poing (comme la destruction de la mosquée Babri), les viols, les émeutes et les massacres de masse…

Qu’Allâh préserve les musulmans de la région de leur mal et fasse surgir parmi eux des hommes tels qu’Aurangzeb et Mahmoud de Ghaznî.

[PS : Assez intéressant d’un point de vue français, notons également que les partisans de l’Hindutva se réclament de la laïcité : puisque chrétiens et musulmans bénéficiaient d’exceptions juridiques (famille, héritage notamment) depuis l’indépendance du pays, la laïcité est ici aussi vue comme un moyen de soumettre les minorités en les rattachant de force à la dictature de la majorité.

PS2 : Notons aussi que parmi ses meilleurs alliés à l’international, le premier ministre indien Modi compte naturellement Israël et Netanyahu, mais aussi… la France.]

Modi Netanyahu

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