Chroniques

Gaza, terre de résistance

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Fondée il y a plus de 3500 ans, Gaza est une des Cités les plus anciennes du monde. Mentionnée jusque dans la Bible, elle fut successivement dominée par les Égyptiens, Philistins, Assyriens, Babyloniens, fils d’Israël, Perses, Chaldéens, Grecs, Romains et Byzantins. Elle devint au final une partie du Dar al Islam dès le 1er siècle hégirien sous le califat d’Omar ibn al Khattab, second calife de l’histoire. Un temps prise par les Croisés francs au Moyen Age, elle repasse sous drapeau musulman grâce à Salahuddin al Ayubi, avant de devenir ville des Mamelouks, ces Européens convertis à l’islam passés d’esclaves à maîtres, pour ensuite rester aux Turcs qui sous la dynastie ottomane, tiendront la ville pendant 4 siècles.

L’histoire moderne et tragique de Gaza ne démarre qu’en 1917 lorsque les Britanniques obtiennent un mandat sur la Palestine (de Philistine, nom donné par Romains jadis). En 1948, sans aucune concertation avec les premiers concernés, la Palestine est choisie pour accueillir les Juifs d’Europe et d’ailleurs afin qu’ils y établissent une nation nouvelle : Israël. Un plan de partage est décidé, Gaza est sensée restée du côté arabe. Très vite, une guerre menée par l’Egypte voisine éclate afin de mettre en déroute le projet d’occupation. À la fin du conflit, la paix signée, Gaza tombe sous le giron égyptien, des réfugiés par milliers y affluent de l’entité sioniste, la Cité devient une « bande » bientôt peuplée de 300 000 âmes. C’est la fameuse Nakba qui voit la Palestine se vider de ses propres Palestiniens…

En 1956, lors de la crise du Canal de Suez impliquant Français et Anglais contre l’Egypte, les forces israéliennes en profitent pour prendre Gaza. Sous la pression internationale, Gaza est rendue aux Égyptiens ; mais avec la guerre de 6 jours de 1967, voilà que Gaza retombe dans les mains des colons juifs. Rapidement, ils y installent des kibboutz, colonies de peuplement, là même où les ressources énergétiques sont les plus importantes. Les tensions sont au comble, et à défaut de pouvoir ensevelir « sous la mer » la région, comme le souhaita Ytazk Rabin dans une glaçante allocution, l’idée va être de renverser la balance démographique au profit des immigrés juifs. Ils viennent par familles entières y vivrent. En 1979, l’accord de paix signé avec l’Egypte de Saddat intensifie encore la colonisation de la région.

En 1987, la 1ère intifada a lieu dans la bande toute entière. Le sang va y couler pendant des semaines, quand émerge sur la scène internationale une personnalité depuis longtemps active et qui sera son visage durant deux décennies : Yasser Arafat. De luttes en négociations, la bande de Gaza passe finalement sous contrôle de l’Autorité palestinienne nouvellement crée. Des colonies juives sont alors évacuées par les forces de l’ordre israéliennes.

Mais les pressions constantes opérées à l’égard de l’Autorité palestinienne accusée de laisser se créer sur son sol des mouvements islamistes violents exacerbent les tensions. En 2001, une seconde intifada démarre.

D’attentats en bombardements, les explosions vont pendant des années être le lot quotidien à la fois de tous. D’une largeur de 6 km et long de 12, la bande de Gaza accueille à ce moment bientôt près de 2 millions d’habitants, soit près de 6000 habitants au km2. Si la population est dans sa presque quasi-totalité musulmane, plusieurs milliers de Chrétiens y subsistent, alors complètement occultés par la communauté internationale. C’est aussi l’époque où le Hamas se fait connaître, perdant déjà nombre de ses hommes et combattants au travers d’attaques câblées israéliennes occasionnant à chaque fois d’importants « dommages collatéraux », soit des dizaines de victimes civiles. Gaza devient un champ de guerre, les photos et vidéos de jeunes hommes affrontant les chars israéliens à l’aide de pierres font le tour du monde. Observé par le monde entier, le gouvernement israélien dirigé par Ariel Sharon se décide enfin en 2005 à l’évacuation totale des dernières colonies israéliennes présentes à Gaza. 8000 colons sont in extremis renvoyés au-delà des frontières désormais officialisées.

Mais Gaza sombre bientôt dans une nouvelle vague de violences, cette fois interne. C’est le conflit entre le Hamas et le Fatah, les deux entités politiques dominant l’échiquier gazaoui qui démarre en 2006 avec pour issue la victoire des premiers. Avec le Hamas à la tête de toute la bande, la communauté internationale décide alors de frapper d’un embargo les Gazaouis, tandis que l’Etat sioniste fait de Gaza son ennemi numéro un. Alliée à l’Egypte, Israël fait alors interdire à Gaza la plupart des biens de consommation courante, ceci allant du simple shampoing aux médicaments et matériels médicaux les plus indispensables.

Pour se défendre des tirs de roquettes effectués par les militants du Hamas depuis Gaza, l’Etat israélien lance alors de réguliers et meurtriers raids aériens. L’opération « plomb durci » démarrée en décembre 2008 fera en ce sens plus de 1300 morts en 3 semaines. Des convois de l’ONU comme des bâtiments officiels étrangers sont même bombardés par l’armée de Tsahal. Des ONG menacent de porter plainte auprès de la Cour pénale internationale quand le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies annonce son intention d’enquêter sur les crimes de guerre israéliens. Mais l’Etat hébreu ne veut rien savoir, il ferme Gaza aux journalistes comme aux enquêteurs.

Gaza devient alors l’une des régions les plus pauvres du monde, et surtout la plus densément peuplée. Le chômage y atteint des chiffres record et la plupart des habitants n’ont même plus accès à l’eau courante. Au côté du Hamas, d’autres mouvements, parfois proche d’Al Qaïda se forment : du côté gazaoui, seule une solution armée semble rencontrer les intérêts de chacun. Partout, dans le monde, les mouvements islamistes annoncent en cœur leur volonté de libérer Gaza. Isolée, telle une prison à ciel ouvert, les quelques tunnels reliant Gaza à l’Egypte sont aussi régulièrement détruits par leurs voisins arabes. Des bateaux, chargés de biens et de civils sont même attaqués par la marine israélienne, qui prétextant leur sécurité, n’hésiteront pas à tantôt tuer des humanitaires désarmés…

De nombreuses opérations militaires sont alors conduites par l’armée israélienne, usant parfois de bombes et munitions pourtant interdites par le droit international. En 2014, la plus meurtrière de ces opérations, baptisée Bordure protectrice, fera en quelques semaines plus de 2000 morts, dont près de 600 enfants… Le Hamas et le Fatah ont tenté depuis de se rapprocher, mais la dissolution de la Palestine et l’impossibilité des différents belligérants arabes à trouver une ligne d’entente commune n’ont depuis pas aider Gaza à se redresser. Si avant les années 2000, les Gazaouis vivaient encore de leurs exportations agricoles ou en travaillant comme main d’œuvre dans des usines et firmes israéliennes, l’économie ne tient à ce moment debout plus que grâce aux dons récupérés par les nombreuses ONG locales.

4 ans plus tard, Israël trouvera dans Donald Trump, nouveau président américain, un allié indéfectible. Déménageant son ambassade à Jérusalem, il officialise une volonté sioniste de longue date : faire de la ville sainte la capitale indivisible d’Israël. La date choisit pour le déménagement tant redouté est alors vu, surtout à Gaza, comme une véritable provocation. Effectuée le 14 mai 2018, ce déménagement se fait jour pour jour 70 ans après la Nakba. Le symbole est fort autant que terrible, assurément, du côté israélien comme américain, l’hypothèse d’une sortie vers la paix est enterrée. Ce seul jour, une manifestation organisée aux abords de la frontière israélienne fera près de 60 morts du côté des Gazaouis, abattus par des snipers et soldats postés de l’autre côté, pour plusieurs milliers de blessés…

Sarrazins

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