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Histoire de l’Islam en Corse

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Sur une île qui a vu passer Vandales, Goths, Lombards, Romains, Francs, Génois, Italiens, Britanniques et Allemands ; il serait tout aussi dur que pour le reste de la France de définir ce que pourrait être un corse de souche tant les mouvements sur la bien nommée île de beauté furent nombreux. C’est aussi, sans compter les milliers d’Arabo-musulmans qui peuplèrent à un moment donné l’île.

Nous ne parlons ici des milliers de Maghrébins venus apporter leur aide pendant la seconde guerre mondiale afin de libérer l’île des Allemands soumis au Führer, ou de ces milliers d’autres venus, comme ailleurs, aider à la reconstruction du pays ensuite. Nous parlons là de ces musulmans qui, de l’an 85 de l’Hégire (704) à l’an 483 (1090), s’installèrent, non sans y être chassés régulièrement, sur l’île. Pour y vivre, pour y faire commerce, ou pour y lancer parmi les plus fameuses expéditions vers le sud de la France et de l’Italie. Une Corse alors encore majoritairement païenne adorant arbres et feuillages, que Charlemagne ou plus tard Ugo Colonna tenteront de christianiser par la force ou en y chassant les barbaresques maures sous la bénédiction de l’Eglise romaine. Si les musulmans finiront bien par définitivement quitter le territoire, des raids de corsaires musulmans continueront d’aborder les côtes corses les siècles suivants. Des raids reprenant de plus belle après le 15ème siècle chrétien peu après l’alliance turco-française visant à défaire l’empereur le plus puissant de l’Europe renaissante, Charles Quint.

C’est d’ailleurs à cette époque qu’apparaît le drapeau corse représenté par une tête de maure entourée d’un bandana blanc, suite à l’indépendance de l’île se libérant de la République de Gênes en 1168 H (1755). Indépendance de courte durée puisque la France rachète l’île en 1192 H (1778). Mais certains affirment que l’origine de ce drapeau serait plus ancienne et en relation directe avec les diverses incursions musulmanes précédentes. Cette tête de maure pourrait ainsi être apparue pour la première fois en 680 H (1281) sur un sceau de Pierre III le Grand, roi d’Aragon et de Sicile de l’époque. Importé sur l’île afin d’impressionner les corsaires sarrasins, la tête représentait alors celle d’un soldat maure décapité lors d’une bataille et empalée sur un pique. La Sardaigne, plus au sud, adoptera un drapeau similaire.

Les références corses quant à cette présence musulmane de plusieurs siècles largement occultée des manuels scolaires sont nombreuses. Si plus aucun vestige n’est encore présent, détruits notamment par les armées chrétiennes, de nombreux lieux, Monts et cols contiennent encore dans leur toponymie des terme de type mauresques : Campomoro, Morsiglia, Morosaglia, Moriani, Moriccio. On peut citer aussi la moresca, une chanson très présente dans la culture corse. Des patronymes tels que Moreschi, Morachini, Morazzani suscitent aussi quelques interrogations. Certains Corses auraient-ils du sang arabo-berbère dans leurs veines ? Possible, tout comme, selon une étude récente, plus de dix pour cent de la population espagnole encore aujourd’hui.

Les récits historiques de cette Corse musulmane sont cependant rares, les historiens d’époque et d’Europe n’en relatant les aventures généralement que pour mieux souligner la violence avec laquelle les corsaires musulmans massacrèrent les populations pour mieux en réduire en esclavage le reste.

Fait étonnant, la plupart des barbaresques ayant attaqués les côtes corses après le 15ème siècle chrétien furent dans la grande majorité des cas, non pas des Maures, mais bien des Corses. Convertis à l’islam, migrant pour certains au Maghreb pour faire carrière, ils seront encore nombreux à accéder aux plus hautes fonctions administratives sous le Califat ottoman au nord de l’Afrique. Nous pouvons entre autre citer Pietro Paolo Tavera, devenu ensuite Dey d’Alger sous le nom de Hassan Corso au 16ème siècle chrétien. Elevé par les Turcs, convertis à l’islam avant de devenir un janissaire, il chassera les Espagnols d’Oran après avoir obtenu la gouvernance d’Alger. Citons également Marthe Franceschini, une Corse capturée par des corsaires marocains. Après un passage au harem du sultan alaouite Muhammad III, elle deviendra en 1200 H (1786) son épouse légitime, et de fait, sultane du Maroc.

Le récit le plus singulier restera celui de Mourad Courso ou Mourad Bey, née Jacques Santi en Corse et décédé en 1040 H (1631). Après avoir été capturé par des corsaires tunisiens et élevé par le bey de Tunis, il devient lieutenant pour ensuite recevoir, après ses services militaires couronnés de succès, le titre de Pacha par le Sultan turc. Faisant restaurer la Grande Mosquée de Kairouan et concluant de nombreux traités avec les Etats européens d’époque, la Tunisie connaît à son époque une très large prospérité. Il transmettra ensuite son titre à son fils Hammouda, qu’il aura eu avec une odalisque, esclave vierge au service des concubines et femmes des harems du nom de Yasmine, elle aussi née corse. Avec Mourad Bey, alias Jacques Santi, c’est la fameuse dynastie des Mouradites qui naît.

Ayant dominés assez largement l’île pendant trois siècles, occupés certains parties ensuite et régulièrement lancés des attaques tout le Moyen Age durant, les musulmans ont avec la Corse des liens, tumultueux, mais très anciens. L’origine corse de bien d’hommes et de femmes importantes du Maghreb en est encore une autre manifestation. Désormais française, la Corse a en son sein encore aujourd’hui plusieurs dizaines de milliers de musulmans. Une présence, à en croire les faits divers et réactions, par certains très discutée et parfois sujette à de violentes manifestations.

Sarrazins

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