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Jabir ibn Hayyan (Geber), le père de la chimie

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Connu en Europe sous le nom de Geber, il est considéré par la communauté scientifique comme le père de la chimie.

Né en 103 de l’hégire (721) dans la région du Khorasan (actuel Iran), il aurait rédigé, selon le chercheur Paul Kraus près de 4000 traités et livres. Beaucoup en doute, ramenant le nombre de ces livres à 500 quand Ibn al Nadim rapporte à son époque 253 titres seulement. Il n’en fut pas moins un savant des plus prolifiques. Pour cause, il abordera tant l’astronomie, que la médecine, la biologie, la géométrie, la métaphysique que la logique. L’ensemble de ces sciences apprises et mises en pratique, il s’oriente vers ce qu’on appelle alors l’alchimie. Celle-ci n’est pas encore à proprement parler une science. Teintée d’occultisme, l’alchimie (déjà usée par les grecs ou égyptiens) n’est l’œuvre que de quelques illuminés peu consultés pour leur scientificité. Jabir ibn Hayyan va alors révolutionner le genre.

C’est à Kufa en Iraq qu’il fait ses armes, à l’époque tant commentée du Califat abbasside de Haroun Ar-Rachid. Envoyé très jeune par son père y apprendre le Coran et les mathématiques, il sera selon de nombreuses sources un élève du savant Ja’far as Sadiq. Se passionnant pour l’alchimie, il met un point d’honneur à passer par l’expérimentation, travaillant ainsi à produire des méthodes qui permettraient la reproductibilité de ses travaux. À force d’expériences, il devient au final le 1er à introduire en l’alchimie la méthode expérimentale. C’est la naissance de la chimie moderne.

On lui attribué ainsi la paternité d’un grand nombre d’équipements propres aux laboratoires de chimie. L’alambic est l’une d’elles, et non des moindres puisqu’elle sera l’instrument de base de tout chimiste qui se respecte, aidant grandement au processus de distillation. Plus encore, il sera derrière la découverte ou mise en application de bien de procédés et substances chimiques maintenant courants. Citons pêle-mêle la découverte de l’acide chlorhydrique, citrique, tartrique et nitrique, la mise au point et la préparation de l’acier et d’autres métaux, la prévention face à la corrosion ; l’usage du dioxyde de manganèse dans la fabrication du verre, le vernissage de tissus imperméables, la teinture sur d’autres ou l’identification de peintures et graisses. Il va aussi faire la classification des éléments en métaux, non-métaux et substances volatiles ceci en les distinguant quant à leurs propriétés. Il va encore durablement développer certaines techniques propres telles que la distillation, la cristallisation, la calcination ou l’évaporation. Aussi inventa-t-il l’eau régale, seul liquide permettant de dissoudre l’or.

Dans certains de ses ouvrages, il fait aussi état de ses vues philosophiques et religieuses. La gnostique et l’ésotérisme y sont constants, certains voyant parfois en lui un érudit chiite en ces temps de permanents conflits doctrinaux. Il était pour beaucoup difficile de savoir ce qui devait ainsi être compris symboliquement de ce qui devait l’être littéralement. Voyant la chimie comme une science au-dessus de toutes les autres, créant passerelles et ponts envers toutes, il fait entendre en ses travaux une véritable conception du monde, appelant à un effort en vue d’une connaissance totale. Il avait aussi recours à la numérologie : nature et propriétés des éléments étaient définies aux travers de nombres assignés selon les consonnes présentes dans leurs noms. Ses contemporains peinent cependant à croire que ces ouvrages (comme bien d’autres) furent tous siens. Les termes et idées prononcées ne devenant courants que quelques générations après lui, il est donc fort probable que des ajouts y ont été effectués au travers des multiples copies et traductions suivantes. Quant il ne s’agit pas simplement d’ouvrages de ses élèves ou lointains disciples. C’est pour cela qu’il est commun de parler de corpus jaberien.

Ces livres et traités ne resteront pas longtemps destinés au seul public arabo-musulman. Très tôt, les savants européens vont ainsi les faire traduire en latin. Dès le 12ème siècle chrétien, les principales universités européennes ont déjà leurs copies des travaux de Jabir ibn Hayyan. Parmi les plus fameux ouvrages qui circuleront : “Kitâb Al-Kîmia” (Le Livre de la Chimie) et “Kitâb As-Sab`in” (Le Livre des Soixante-dix). Certains termes introduits par Jabir passèrent aussi au travers du latin pour devenir des mots courants du vocabulaire scientifique, tel qu’al kali, al iksir ou al ambic.

Au-delà du flou entourant sa personne, tous sont d’accord pour dire que sans Jabir ibn Hayyan, la chimie moderne n’aurait eu l’impact et l’évolution qu’on lui a connu. Il quittera ce monde en 199 de l’hégire (815).

Sarrazins

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