Histoire

Biographie du sultan moghol Aurangzeb

Publié

le

Sixième sultan de la dynastie des Grands Moghols, Aurangzeb fut probablement le plus grand chef d’État que les Indes islamiques aient connu. En raison de son orthodoxie religieuse, il fut souvent calomnié par les auteurs occidentaux comme un tyran rustre et intolérant. Et pourtant ! À la fin de son règne d’un demi-siècle, son empire, qui connaît alors son apogée, couvrait 4 millions de km² et près de 200 millions d’habitants, générant un revenu annuel dix fois supérieur à celui de la France de son contemporain Louis XIV : l’Inde était même devenue la première puissance économique mondiale, produisant un quart de la richesse du globe.

Passionné d’histoire et de sciences islamiques dès son plus jeune âge, Aurangzeb est éduqué en arabe et en persan à Agra, la capitale de sa dynastie dans le nord de l’Inde. Nommé à la tête de plusieurs campagnes militaires dès 1639, ses succès et sa fougue au combat lui valent le surnom de “Badahur” (“le brave”) de la part de son père Shâh Jahan, qui le nomme gouverneur du Deccan (Inde du Sud) puis de Balkh (Afghanistan). À la mort de ce dernier, une guerre civile éclate entre Aurangzeb et son frère Dara, partisan des théories syncrétistes de leur ancêtre Akbar, qui avait créé sa propre religion mélangeant islâm, hindouisme ou encore christianisme. En 1659, Dara est finalement vaincu et exécuté pour apostasie, tandis qu’Aurangzeb est couronné officiellement à Delhi, marquant le triomphe des milieux sunnites conservateurs de l’empire.

Rapidement, il reprend en main le pays, et notamment la justice : après avoir réuni plusieurs centaines de juristes hanafis du sous-continent indien, de l’Iraq et même du Hijaz, il fait promulguer un code de lois fondé sur la sharî’a, le Fatawa-i-Hindiya. Alcool, drogues, musique et pratiques locales comme le sati (immolation forcée des veuves par le feu), le nautch (une danse érotique) ou la castration sont bannis de l’empire Moghol; le prélèvement de la jizya est rétabli, la prédication islamique encouragée par l’État et les temples hindous où complotent ses ennemis détruits sans ménagement – toutefois pas plus d’une quinzaine durant son règne, bien loin du chiffre de 60.000 avancé par les historiens nationalistes hindous. Malgré sa stricte application de la Loi islamique et son autoritarisme certain, nombre d’hindous connaîtront également de belles carrières dans l’administration impériale.

Son royaume désormais solidement en main, Aurangzeb peut se consacrer à ce qui occupera le plus clair de son règne : les conquêtes. À la tête d’une impressionnante armée qu’il améliore continuellement, notamment en attirant à ses côtés des artilleurs européens qui lui confectionnent les canons les plus efficaces de l’époque, il s’étend dans toutes les directions : vers l’Ouest, avec la conquête du Pendjab (Pakistan actuel), l’Est, avec l’Arakan (Bangladesh et Birmanie actuels), le Nord, avec le Cachemire, mais surtout au Sud, contre les sultanats du Deccan. En 1690, il se permet même d’humilier les Britanniques après avoir assiégé leur comptoir de Bombay suite à un incident : les envoyés anglais doivent s’agenouiller devant lui et payer une large indemnité en échange de la paix, un événement qui sera abondamment relayé en France, un pays qui entretient des relations cordiales avec les Moghols. Enfin, le sultan de Delhi devra également faire face à des rébellions quasi-permanentes, en particulier des Marathes, une caste de guerriers hindous, mais aussi des Sikhs et des Pashtounes, qu’il parvient à contenir efficacement pour maintenir l’unité de l’empire.

Bien que moins porté sur les arts que ses prédécesseurs et menant un mode de vie austère, Aurangzeb n’en est pas moins à l’origine de l’une des plus belles œuvres architecturales de la région : la mosquée Badshahi de Lahore. Il restera également connu comme un grand mécène de la calligraphie islamique et, chaque année, il prend soin d’envoyer les meilleures pièces de l’artisanat moghol, tapis ou vêtements, à Makkah et Médine à l’occasion du hajj. Au sommet de son pouvoir – d’aucuns disent alors qu’il est l’homme le plus puissant du monde -, Aurangzeb rend finalement l’âme le 20 février 1707, à l’âge de 88 ans, à Khuldabad, où il est enterré simplement dans une modeste tombe à ciel ouvert, loin du faste et des gigantesques mausolées de ses prédécesseurs, fidèle à ses convictions islamiques profondément ancrées. Qu’Allâh lui fasse miséricorde !

Je commente

Les plus lus

Quitter la version mobile