Chroniques
Al-Razi (Rhazès), le père de la médecine
Connu chez les latins sous le nom de Rhazès, Mohammed Ibn Zakaria al-Razi est encore aujourd’hui considéré comme le père de la médecine moderne.
Né autour de 251 de l’hégire (865) à Rayy au sud de l’actuelle Téhéran, al-Razi arrive en un monde musulman alors en pleine ébullition savante. Abbasside est le califat, 3ème est le siècle hégirien. En cet espace et temps, on y traduit et corrige les travaux des anciens, mais aussi, par le biais de l’expérience, y développe de nouvelles disciplines. D’abord musicien, notre homme se tourne ainsi rapidement vers l’étude et voyage ainsi de l’Egypte à l’Andalousie. La philosophie, l’alchimie, les mathématiques, l’astrologie, l’astronomie, l’économie ; ses centres d’intérêt vont être nombreux. Mais c’est en médecine qu’il va surtout durablement laisser sa trace dans l’Histoire.
Élève de l’un des plus grands savants et traducteurs de l’époque Is’haq Ibn Hunaïn, il devient dans un 1er temps le médecin d’Abu Saleh Al Mansur, souverain de Khorosan, avant de prendre la direction de l’hôpital de Rayy, puis celui du plus grand hôpital de Bagdad : le Birmistan. Chef d’établissement mais aussi professeur, il introduit alors une méthode à l’époque nouvelle : il observe et interroge ses patients. Aussi curieux que cela puisse paraître, l’observation clinique, l’intérêt porté à l’évolution de la maladie, l’analyse des symptômes ; tout ceci n’intéressaient que peu les médecins avant lui. Il y a donc un avant et un après al Razi. Aussi se fera-t-il plus que remarquer tant en chirurgie, gynécologie, ophtalmologie qu’en stomatologie.
L’une de ses plus grandes prouesses : avoir été le 1er à diagnostiquer la variole et la rougeole. Il explicite d’ailleurs les différences entre ces deux maladies de façon si frappante que rien n’y fut depuis ajouté. Trouvant les causes à la paralysie faciale, grand neurologue, 1er à introduire l’usage thérapeutique du mercure et opérant déjà la cataracte (l’œil) ; il avait le don de faire acte de chirurgie sans ne laisser de cicatrices, ceci en réalisant ses sutures sous la peau. Aussi précurseur en médecine préventive, il sera ainsi l’auteur d’un traité médical à l’usage des gens du commun, “Kitab ila man la yahduruhu al-tabib”, en lequel il vantait déjà les vertus d’une alimentation saine, soulignant aussi toute l’influence que pouvait exercer le moral sur le corps. Découvrant l’asthme allergique, al Razi aurait été aussi le 1er à comprendre que la fièvre ne fut qu’un mécanisme naturel de défense du corps humain.
Aussi chimiste, il veillait à ce que ses recherches servent avant tout la médecine. Remarquera-t-il d’ailleurs que la guérison du malade n’était ainsi que conséquence d’une réaction chimique de son corps. Précurseur en pharmacologie, ayant sa officine, il réalisait lui-même ses remèdes, isolant au travers de ses travaux tant l’éthanol que l’acide sulfurique. Pluridisciplinaire, son œuvre écrite rassemblera plus de 180 volumes dont 61 rien qu’en médecine. On lui doit notamment une colossale encyclopédie médicale de 22 volumes, “Kitab Al-Hawi”, contenant l’ensemble des connaissances médicales de son siècle. Très tôt, il est ainsi massivement traduit et diffusé dans toute l’Europe, notamment grâce à aux traductions de Gérard de Crémone, l’un des protagonistes majeurs de la transmission des sciences arabes à l’Occident.
Ayant eu parfois des vues des plus hétérodoxes quant à l’Islam en quelques-uns de ses essais philosophiques, il se sera aussi attiré les foudres de certains juristes musulmans de son temps. Étudié jusqu’au 20ème siècle en certaines universités européennes, il aura néanmoins marqué à jamais la médecine, ceci en y apportant le regard scientifique et rationnel lui manquant jusque là. Il quittera ce monde en 313 de l’hégire (925) en sa ville natale de Rayy.