Chroniques

Des femmes et des voiles

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Si réduire la moitié de la population musulmane, féminine, trop souvent à son seul voile est extrêmement réducteur et injuste ; il faut dire que la fixation, qui plus est mensongère, qui est faite sur celui-ci de la part des laïcistes les plus radicalisés à de quoi alimenter travail de réflexion du côté des plus concerné(e)s.

Il ne se passe généralement pas un trimestre sans qu’un magazine, une émission, ou un essayiste en fasse son sujet central. Y est conté l’avilissement que le dit voile serait sensé représenté, la prison de tissu qu’il serait être. Il serait le symbole d’un prosélytisme violent, une volonté complotiste de déstabiliser la Nation, un marqueur de distinction entre les hommes et les femmes (oui, en terre progressiste, c’est mal).

On aime ainsi tendre micro à de bons vieux nostalgiques de l’Algérie française, ou à des intellectuels arabo-maghrébins “islamo-éclairés”, afin de rappeler qu’en leur époque, de voiles, il n’était pas question. Les femmes avaient du respect pour la liberté, elles portaient jupes et fumaient la cigarette, elles allaient danser le twist et rigoler avec les copains. Les photos en témoignent!

De Kaboul à Alger, les clichés noir et blancs de femmes “libérées”, cheveux et jambes au vent, sont en effet régulièrement mis sur papier glacé, vantant un monde musulman “d’avant les islamistes”, sans barbes et voiles, sans militantisme ni revendication. Un monde musulman rêvé, car occidentalisé à outrance, mais qui, au grand dam des nostalgiques, semble doucement s’effriter.

Si la transition, ce retour en arrière pour les uns, ce bon en avant, vers l’islam, voie du progrès humain réel, pour les autres, ne se fait pas sans heurts et maladresses, il semble effectivement et foncièrement se concrétiser partout où le Qu’ran continue à se voir récité.

A la vue de femmes se voilant, l’on crie ainsi à l’obscurantisme, pire, à l’hérésie. Le voile serait une invention nouvelle, plus encore lorsqu’il s’agit de cette burqa, ce niqab, que porte certaines jeunes femmes ici et là. Sujet de divisions chez les musulmans, les uns le considérant obligatoire, ou conseillé, les autres non, il serait pour d’autres complètement étranger à la civilisation musulmane. On entend même qu’il serait une invention “wahhabite”, un déguisement saoudien, une façon moderne et plus subversive de signaler sa différence et son refus d’un monde, à l’instar des punks d’il y a 30 ans.

Pourtant, là aussi, les photos témoignent.

Car si les clichés d’avant guerre de bédouines et arabes aux costumes traditionnels, au voile très rudimentaire, et parfois même peu pudiques abondent, il ne fut apparemment pas rare de croiser dans les rues des grands centres urbains, de la Bosnie au Maroc, de la Turquie à la Palestine, des femmes dont on ne pouvait souvent n’apercevoir que les yeux, et encore.

Quel qu’en soit le point de vue “religieux” porté sur la chose, sujet à laisser entre les mains de ceux disposant des connaissances nécessaires en la matière, la seule vue des clichés qui suivent suffisent à mettre en faux la parole de celles et ceux se suffisant à quelques récits et albums des années 50, pour prouver un avis qui n’est finalement que le leur. Car si autant de femmes cachaient leur visage à la vue d’hommes étrangers, que dire du simple fait de se couvrir les cheveux.

Rappelons d’ailleurs que lors des campagnes menées par la France en Algérie visant à “dévoiler” les femmes musulmanes, il s’agissait de laisser le visage apparent. Se découvrir les cheveux n’avait pas lieu d’être. On peut aussi retrouver dans les livres d’histoire qu’après la Reconquista espagnole, l’interdiction faites aux “sarrasines” de se voiler, visait aussi à ce que l’on puisse voir leur visage, non les cheveux…

Le voile, les voiles, et même celui couvrant, donc, le visage de certaines, n’est ainsi aucunement une invention moderne, une hérésie “islamiste”. Il a été et, apparemment, sera…

Femmes syriennes


Kaboul, 1955, Marc Riboud


Egypte, 1880


Empire Ottoman, 1885


Sarajevo, 1887


Banja Luka, 1910


Maroc, 1918, De Clerembault



“Group of women and children in Jaffa” Tel Aviv, Palestine. 1860 – 1911


“”Mauresques, costumes de ville” – Alger, 1920. E. Leroux


Sarajevo, 1944


Egypte, 1870, J. Pascal Sebah

Publié par Renaud KLINGLER (Sarrazins)

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