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Esclaves, noirs, et musulmans

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Durant près de 400 ans, entre 10 et 15 millions d’hommes et femmes vont être déportés d’Afrique et réduits en esclavage sur le continent américain. Mais alors que la plupart des captifs vendus sur les côtes africaines étaient animistes, d’autres, notamment en provenance de l’actuel Sénégal et Mali, furent musulmans. Parfois même de très grands érudits, quand ils n’étaient pas de reconnus combattants pour le Jihad armé avant leur capture.

L’Afrique de l’est était alors autour du XVIème siècle, une zone où les conflits étaient nombreux. Les captifs étaient vendus contre rançon au mieux, et au pire comme esclave, aux Arabes dans un 1er temps, puis ensuite aux blancs. De piètres esclaves? Comme en atteste la révolte de Bahia au Brésil en 1835, la mutinerie de l’Amistad ou les multiples tentatives d’évasions retranscrites par écrit, les esclaves musulmans, furent souvent les plus résistants et enclins à la désobéissance. L’idée qu’ils puissent contaminer les autres de par leur religion fut toute aussi grande. Aux prémices de la traite, le royaume d’Espagne déclarait déjà dans une ordonnance que ”dans un nouveau pays comme celui-ci où la foi (catholique) n’est que récemment semée (il était nécessaire) de ne pas laisser se propager là la secte de Mahomet ou de tout autre”. Ils préféraient ainsi l’envoi de ladinos, musulmans convertis au christianisme, notamment après la Reconquista espagnole.

La naturelle cohésion qu’il pouvait y avoir entre eux et la langue arabe leur permettant de se reconnaître et communiquer, facilitèrent effectivement diverses révoltes et mutineries. La formation militaire de certains, y aida grandement. Mais nombre d’entre eux furent aussi contraints d’abjurer leur foi sous peine de châtiments corporels. Ils se devaient ainsi de changer de nom, aller à l’Église et renoncer à toute pratique de l’islam. Nul ne sait combien d’entre eux persistèrent à accomplir leurs obligations religieuses en cachette.

Cependant, pour d’autres, il en fut tout autre. Non seulement leur religion fut acceptée par leurs maitres, mais ils purent sans gêne accomplir leurs prières quotidiennes, jeûner le mois de Ramadhan, et faire l’aumône, tout en portant barbe pour les hommes et voile pour les femmes. Ils suscitaient même admiration et respect chez certains chefs de plantation. Nombreux sont ceux de ces musulmans qui accédèrent d’ailleurs aux postes les plus importants au sein des plantations, dirigeant parfois tous les travaux à la place des blancs. Pour cause, ils étaient généralement les plus instruits. Souvent bien plus que leurs maîtres. En plus de savoir lire et écrire, ils maitrisaient l’arabe et connaissait le Coran parfois par cœur. De quoi étonner bon nombre de leurs propriétaires, les amenant tantôt à considérer ces derniers non plus comme des noirs mais comme des Maures. Le noir, dans l’imaginaire blanc, ne pouvait être cultivé et maitriser les arts et lettres. C’est ainsi que certains retrouvèrent la liberté jusqu’à parfois pouvoir rentrer sur leurs terres.

Quelques noms ont pu traverser les époques. Lamine Kebe, Abel Conder (abd al Qadir) et Mahamut, ou encore le désormais célèbre Kunta Kinte. Omar Ibn Said, ayant écrit les propres lignes de sa vie, et en arabe, deviendra un temps l’attraction de tous les journalistes. Un certain S’Quash fut aussi connu pour ses connaissances en langue arabe et ses talents de cavalier. Une plantation en Géorgie rapporte aussi des esclaves se prosternant chaque matin à l’aube. Au cours du procès des esclaves de l’Amistad, bateau repris par ces derniers après une mutinerie échouant au large de New York ; l’administrateur de l’ex gouverneur britannique témoignera : ”A l’un de ceux à qui j’ai parlé, je répéta une forme de prière mohemmedienne, en arabe ; l’homme, immédiatement, reconnu la langue, et répéta les mots Allah Akbar. L’homme derrière ce Negre, à qui je m’adressa, en lui disant salam aleykum, immédiatement … répondit aleykum salam..” Ils finiront tous, sans exception, par être renvoyés en Afrique.

Mais très peu d’entre eux purent transmettre l’islam à leurs enfants. A tel point que certains petits-enfants de musulmans esclaves ne savaient même pas que leurs ancêtres en étaient, allant jusqu’à s’imaginer qu’ils adoraient la lune et le soleil, du fait de leurs prières de l’aube et du soir. Mais des influences subsistent. Encore aujourd’hui, des descendants d’esclaves, vaudous, saluent leurs divinités avec un salam, en se mettant à genoux et en levant les bras. Sur l’île de Sapelo, où Bilali Muhammad, l’un des esclaves musulmans les plus célèbres, aura au sa descendance, les hommes et femmes sont, séparés dans les églises. Ils y enlèvent encore leurs chaussures quand les femmes se couvrent la tête avant d’y entrer. Elles sont d’ailleurs construites en direction de La Mecque, et les corps, sont enterrés en sa direction.

De plus en plus de conversions à l’islam d’Afro-américains sont néanmoins visibles depuis les mouvements d’émancipation, et en particulier depuis que de nombreux travaux sont fait pour re-découvrir un patrimoine historique jusqu’ici largement occulté. L’islam, religion originelle de leurs pères et mères? Selon les dernières estimations, 20 à 30 % des esclaves pris d’Afrique auraient ainsi été musulmans.

Sarrazins

"Sarrazins" est un webzine indépendant, crée en 2016, qui a pour vocation d’apporter un regard musulman sur l’actualité

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