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Les mosquées de la vieille ville de Jeddah inscrites au patrimoine mondial de l’UNESCO

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Ce samedi 21 juin, l’UNESCO a annoncé lors de sa réunion à Doha, au Qatar, l’inscription de plusieurs sites au patrimoine de l’humanité. Parmi ces sites, la ville historique de Jeddah en Arabie saoudite, dans la région historique du Hijâz, ses monuments et ses mosquées donc.

jeddah-1938

En 2011, le dossier “vieille ville de Jeddah” avait été refusé par la commission de l’UNESCO. Aujourd’hui, l’institution a reconsidéré sa prise de position et, comme l’a souligné l’agence de l’ONU dans un communiqué “Jeddah a été à partir du VIIe siècle l’un des ports les plus importants sur les routes commerciales de l’océan Indien”. Plus que cela, Jeddah offre un aperçu de l’histoire de l’Islam, des différentes dynasties qui se sont succédé ainsi que des dynamiques que celles-ci véhiculaient.

Tout commence en l’année 26 de l’Hégire (647 Ap. J-C) quand ce qui n’était qu’un petit port de pêcheurs fondé par une tribu yéménite , les béni Qudâa (بني قضاعة), devint officiellement sur ordre du Calife Othman Ibn ‘Affan le port d’accueil pour les pèlerins du Hajj. Le port prend ainsi une importance considérable, internationale même, expansion de l’Islam oblige. La vocation était avant tout religieuse.

En 969, les Fatimides inclurent le Hijâz et donc Djeddah dans leur territoires. Dans le cadre de leur stratégie diplomatique et de développement économique dans l’Océan Indien, ils utilisèrent Djeddah comme un centre économique. Cela se traduisit par un fort essor pour la ville et par une réorientation de la la vocation de Djeddah qui était devenue plus diplomatique et économique que religieuse.

Salaheddine Al Ayyoubi, plus connu en Occident sous le nom de Salladin, mit un terme au califat chiite des Fatimides en 1171. En 1177, il proclama son autorité sur le Hijâz et le plaça sous la direction du Sherif Ibn Abul-Hashim Al-Thalab (1094 – 1201). Cette période ayoubide fut marquée par une ère de prospérité économique et intellectuelle dans le monde islamique mais également par la construction d’écoles coraniques.

C’est à l’époque du Sultanat des Mamelouk (qui succédèrent aux Ayoubides) que la ville devient vulnérable, menacée par l’expansionnisme occidental, à une époque où le monde musulman était en train de s’affaiblir (perte du Califat de Cordoue en 1492, début de la colonisation espagnole en Afrique du Nord, présence portugaise le long des côtes africaines). A la toute fin du XVe siècle, le Sultan Al Ashraf Qânsûh Al-Ghûri, aidé par les sultans du Yemen et du Gujarat, rassemble une flotte d’une cinquantaine de vaisseaux pour mettre fin aux attaques portugaises qui firent régner la terreur chez les pèlerins. Finalement, la ville sera fortifiée pour se prémunir des éventuelles attaques ultérieures.

En 1517, avec la conquête de l’Egypte par Selim Ier, les territoires administrés par les Mamelouks devinrent Ottomans. Ces derniers renforcèrent les fortifications de la ville après leur victoire navale sur les troupes portuguaises en 1525. Ils dotèrent leurs fortifications de six tours de garde et de six portes : la Porte de La Mecque à l’ Est, la Porte du Maghreb à l’Ouest, la Porte du Chérif au Sud. Les autres portes , la porte d’Al Bunt, la Porte du Sham et la Porte de Médine étant au nord.

Au début du XIXe siècle durant la sédition saoudienne, Djeddah servit de refuge au Shérif Ottoman. Le pouvoir ottoman se fit secourir par des troupes venues d’Egypte et les Ottomans reprirent Djeddah aux tribus du Nejd en 1813, lors de la bataille de Jeddah.

Enfin, à l’agonie de l’Empire Ottoman, Djeddah était une ville importante du Royaume indépendant du Hijaz et ce jusqu’en 1925, date à laquelle les Saoud l’envahirent et l’intégrèrent à l’Arabie “Saoudite”.

Aujourd’hui encore, la ville porte les traces de son passé, de notre passé, et de nombreux monuments préservés ont conservé de par leur nom et/ou leur architectures, et parmi eux de nombreuses mosquées.

JEDDAH, DES MOSQUÉES ANCIENNES…

Le célèbre voyageur et chroniqueur Ibn Jubayr rapporte que c’est le Calife Omar Ibn Al Khattab qui est à l’origine de la première mosquée à Jeddah, mais il n’en reste plus de traces. Une des mosquées les plus anciennes est la Mosquée Shâfi’i. Située au souk Al Maji dans le quartier Al Mazloom, elle est considérée comme la mosquée la plus ancienne de Jeddah, son minaret daterait du XIIIe siècle. Elle a été sauvée de la pression immobilière et de la fâcheuse tendance à raser ce qui est ancien pour faire des immeubles qui l’accompagne, et elle a été rouverte au public.

Masjid Sahi'i la plus vieille mosquée de Jeddah

La mosquée Othman Ibn Affan est également une mosquée antique de la ville. Surnommée la “mosquée d’Ebène” en référence à deux plaques en bois d’ébène qui supportent sa structure, elle est mentionné par de nombreux voyageurs médiévaux, dont Ibn Battuta et Ibn Jubayr. Son minaret qui la surplombe daterait du XIV-XVè siècle.

La mosquée Al Pacha fait également partie du lot. Construite sous l’époque ottomane en 1735, son minaret ancien a été démoli et remplacé en 1978 par un nouveau minaret.

… ET PLUS RÉCENTES

D’autres mosquées, plus récentes celles-ci, vont elles bénéficier de l’appellation “Patrimoine de l’humanité”, du fait de leur situation géographique ? Car de nombreuses mosquées construites durant la période saoudienne seraient dans le périmètre labellisé. C’est le cas notamment de la Mosquée Al Rahma, situé en corniche, juste au-dessus de la mer et de la mosquée du roi Fahd.

Mosquée Rahma de Jeddah

Mosquée Arrahma dans le quartier d’Al Balad, entre terre et mer…

Mosquée du Roi Fahd de Jeddah

Mosquée du Roi Fahd construite pendant le règne du monarque, est située dans le centre-ville

Autre mosquée récemment construite dans cette zone aujourd’hui sensée faire partie du patrimoine de l’humanité, la mosquée Al Juffali, qui porte le nom du principal donateur pour sa contruction et qui fait face au ministère des Affaires Etrangères. Conçue par Abdulwahid Al Wakeel, son architecture se veut respectueuse de son environnement et s’inscrit dans la tradition d’autres mosquées historiques de la ville (pour plus d’explication, voir ici). Volontairement sobre, elle peut accueillir 2.000 personnes.

Mosquée Al Juffali de Jeddah

Mosquée Al Juffali, située en face du ministère des Affaires Etrangères, fait également face à la mer

Dernière mosquée que nous vous présentons aujourd’hui, la mosquée Hassan Anani, dans le quartier Al Hamrâ, dont la construction date d’une trentaine d’année (pour plus de renseignements sur cette mosquée, voir ici). Fondée par le cheikh Hassan Mohamed Khalil Anani, son architecture est un mariage savamment orchestré d’ancien et de modernité. Vue du ciel, elle ressemble à une étoile à huit branches (plus connue sous le nom d’Etoile de Baghdad). Orné de faïences faîtes au Maroc, sa structure interne n’est pas sans rappeler celle de l’ancienne mosquée de Cordoue (coupole au-dessus du mihrab). Sous ses deux minarets de 35 mètres de haut chacun, elle peut accueillir 1.200 fidèles.

Mosquée Al 'Anani de Jeddah

Mosquée Al ‘Anani inaugurée pendant le Ramadan 1405, a aujourd’hui 30 ans

IMPORTANCE DU PATRIMOINE MUSULMAN

Le cas de l’inscription de la vieille ville de Jeddah au patrimoine mondial de l’humanité doit faire écho dans le monde musulman. D’année en année, le patrimoine historique des musulmans peu à peu s’efface. De nos jours, dans des pays pourtant à majorité musulmane, au nom de la lutte contre le “shirk”, nombre de lieux emblématiques sont détruits. Souvent, le patrimoine historique des musulmans est simplement détruit suite à la pression immobilière, certains responsables politiques sympathisant plus facilement avec des billets verts qu’avec leurs origines. Quelquefois même, on utilise l’argument de lutte contre le polythéisme pour développer des projets immobiliers.

Si l’Islam interdit le polythéisme et fait tout pour ne pas l’inciter, il n’invite en rien à nous défaire de notre histoire. Il est navrant de voir que l’Occident a pris soin de préserver ses monuments qui sont une partie de son histoire, la preuve matérielle du fait millénaire de leur civilisation et de constater que nous nous sommes privés de nous même de notre richesse culturelle.

Imaginez-nous les réactions des Gens du Livre si on annonçait un projet à la Manhattan sur la Place Saint Pierre au Vatican ou un gratte-ciel de 50 étages faisant face au mur des Lamentations à Jérusalem. Imaginez les réactions de ceux qui aiment leur religion. Les responsables des pays musulmans devraient préserver ce patrimoine et ne pas le brader pour des projets immobiliers qui n’ont de surcroit rien en commun avec la culture millénaire des musulmans. Pas pour donner à ces lieux une sacralité qu’ils n’ont pas, mais pour redonner une dimension spirituelle à notre communauté dont elle a besoin pour avancer, qu’elle puisse méditer sur son passé et sur ce qu’elle est actuellement.

Des érudits parmi les tabi’in regrétèrent que les maisonnettes des épouses du Prophète -SWS- soient rasée lors de l’expansion la mosquée de Médine sous les Omeyyades. Ils souhaitaient que les générations futures voient la misère dans laquelle le Prophète SWS a vécu. Que diraient-ils aujourd’hui ?

Nous ne pouvons qu’inciter nos lecteurs à visiter les nombreux musées de Jeddah lorsqu’ils accompliront leur hajj ou leur Omra, pour joindre la culture à cette noble adoration. Nous ne le répèterons jamais assez, un peuple qui n’a pas de passé n’a pas d’avenir. Réapproprions-nous notre passé.

Retrouvez cet article sur le blog de David Bizet

La Rédaction

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